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LIBERATION du 17 janvier 2003

 

A l'école marseillaise du contrôle de police

Trois policiers accusés de violences et deux professeurs, d'outrage.

Marseille, de notre correspondant

L'affaire se passe devant l'Opéra de marseille, mais on n'y a pas entendu de bel canto. Plutôt un coup de klaxon dissonnant. Ce 1er juin 2002 au soir, les policiers qui bloquent la circulation pour un contrôle n'apprécient pas qu'une voiture arrêtée derrière se permette de les "narguer" - c'est ainsi qu'ils interprêtent la chose. Donc, ils la contrôlent. A l'intérieur, quatre personnes, dont deux enseignants, qui montent sur leurs grands chevaux. Les policiers établissent un PV pour le coup de klaxon.

"Quoi, pédé ?" croit comprendre un des passagers. "Non, PV", rétorque le flic.

"Ton PV, on se torche le cul avec" croit entendre le policier.

A partir de là, tout dégénère. Les témoins de la scène décrivent des policiers "intervenus avec violences" contre les deux enseignants, parmi lesquels "la femme semblait la plus agitée", poussant "des hurlements hystériques". "Elle hurlait, se débattait", notera une serveuse de restaurant. Deux policiers tomberont à terre avec elle.

Contre-attaque

Au final, après une nuit au poste, les deux enseignants se voient remettre une convocation devant la justice pour "outrage et rébellion". Ils contre-attaquent en déposant plainte pour violences policières. Le parquet saisit l'IGPN (Inspection générale de la police nationale). Curieux que, pour enquêter sur la police, on envoie la police, mais c'est ainsi.

L'IGPN mène une enquête fouillée : elle vérifie même si la tête de l'enseignante passe à travers la vitre arrière de la voiture de police. Car la prof affirme que, lorsqu'elle a émis l'envie de vomir lors du transfert au commissariat, on lui a passé la tête dehors en lui disant "maintenant, dégueule". Selon l'enquête, sa tête ne passe pas. Au final, selon la police des polices, il n'y a pas eu de violences policières. Tétus, les prévenus citent quand même directement trois policiers devant la justice, pour "violences suivies d'une incapacité supérieure à huit jours".

Tabassée

Hier, le tribunal correctionnel de Marseille jugeait tout ce beau monde. Les deux enseignants, Eric Delmas, 37 ans et Anna Boghossian, 39 ans, nient l'outrage et la rébellion. Le premier reconnaît deux insultes, mais au poste : "cervelles de moineau" et "ordures". Pour les violences, Anna Boghossian affirme avoir été traînée par les cheveux et tabassée. Les policiers, qui passent une journée tranquille devant la justice, nient : ils ont reconnu "l'usage de la force", mais pas plus que ce qu'ils estiment nécessaire pour une interpellation musclée.

Interrompus, hier, les débats reprendront jeudi prochain. Mais pour les profeseurs, ce ne sera pas fini. Suite à leur plainte contre les policiers, le parquet les poursuit pour "dénonciation calomnieuse". Ils seront à nouveau jugés prochainement.

Michel Henry

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