Le journaliste

Jacques Lignières, Sénior ou vice-président d'Amadéus, vous allez peut-être me dire, Jacques Lignières, écoutez si cette histoire, si ce suicide s'était passé à Paris, personne n'aurait jamais parlé.

Jacques Lignières

Possible, je n'en sais rien. Mais c'est vrai qu'il y a un aspect village ici, il y a un aspect exposition de la société, donc il y a un aspect rumeur. Je ne sais pas si, vous-même, vous avez vécu dans un village, mais moi j'ai passé mon enfance dans un village où il y avait 600 habitants. Bon... on retrouve un peu le même type de comportement alors qu'effectivement à Paris, ça se dissout rapidement.

Le journaliste

C'est quand même particulier, Sophia Antipolis, on parle volontier de communauté, on a parlé de Sophiapolitains....

Jacques Lignières

Pas tant que ça ! Si vous voulez, ce qu'il y a ... il faut imaginer la zone... il y a seulement 25 ans, ici il n'y avait rien. Il n'y avait que quelques sangliers, du sable et c'est tout. Donc il y a eu une croissance forte effectivement, autour d'une idée mise en avant par le sénateur Laffite avec un certain succès, c'est-à-dire celui de faire une technopole, un peu dédié aux activités de recherche, etc... avec une concentration effectivement de bons esprits, de chercheurs, d'ingénieurs, qui vivent un petit peu en caisson au niveau de l'entreprise. Ce sont des gens qui ont quand même... qui sont un peu particulier, à la jonction de la création. Ce sont des gens qui ont un assez fort individualisme c'est-à-dire ce sont des gens qui, quand ils fabriquent quelque chose, ils y mettent effectivement leur cerveau, un peu leur tripe, etc.. et j'en parle savamment parce que j'en suis un.

Donc il y a une esthétique du programme qui est peu connu finalement, et quand vous êtes dans cette phase si vous voulez de création, qui est parfois un peu difficile, un peu douloureuse, je ne dis pas que ça aide à devenir autiste mais vous pouvez le devenir quoi. Et après si vous voulez, on fait malgré tout fonctionner ces indivualités fortes, si vous voulez, dans un projet commun, avec tout ce que ça suppose et c'est tout.

Donc je ne pense pas qu'il y ait perte de l'humain, si vous voulez, dans notre société. Par contre ce qu'il y a, si vous voulez, c'est un lien social qui est probablement différent de ce qu'il était autrefois, dans votre village, avec du coup, un recours extrémement fort ou accru, une dépendance, une demande par rapport à l'entreprise qui excède, peut-être, les possibilités de l'entreprise.

Les gens ont une demande par rapport à l'entreprise qui est beaucoup plus forte. Voyez, c'est-à-dire que dans l'entreprise, ils trouvent effectivement leur travail, leur salaire, leur récompensence, leur rémunération, parfois leur femme ou leur petite amie ou etc... Voyez !

Donc ça devient le lieu de toute la vie. Avec donc, du coup, une demande qui est de plus en plus forte par rapport à l'entreprise, qui n'est, malgré tout, qu'un agent économique.

Alors elle ne peut pas se substituer au curé, etc... vous voyez. Tout ce qui faisait la société dans un village français au XIXème siècle.

Par contre, effectivement, un suicide de cette nature, comment dire ? le mot "mis en scène me gène un peu, mais ça y ressemble quand même un petit peu...

Bon, forcément, si vous voulez, ça interpelle, quoi ! On ne peut pas s'en cacher.