Les délégués du comité d'entreprise
Le journaliste
C'est une question que je pose ici aux deux délégués du personnel du C.E. d'Amadéus Claire Moniot et Anne Sec :
Petit retour en arrière, vous vous souvenez du 27 janvier 2003, si je dis le 27 janvier 2003, c'est que c'est un lundi et que c'est le jour où vous arrivez ici à Amadéus pour certainement reprendre une semaine de travail "normale".
Anne Sec
Oui, donc ce jour-là a commencé comme tous les jours en ouvrant le mail et nous avons eu notre semaine envahi par le C.E. par un tract CFDT qui nous annonçait le suicide de notre collègue Vicky Binet qui avait eu lieu le samedi durant la nuit je pense, devant la société d'Amadéus, et qui publiait une lettre que Vicky avait rédigé avant de se suicider et qu'elle avait décidé d'envoyer aux employés d'Amadéus.
Ça a été un mail très traumatisant pour beaucoup de personnes dans la façon dont il a été rédigé et surtout c'était une nouvelle à laquelle personne ne s'attendait et personne n'aurait pu prévoir... donc ça a été une nouvelle très choquante.
Le journaliste
Et vous, Claire Moniot, qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
Claire Moniot
Euh, d'abord comme beaucoup de personne, ça a été effectivement une nouvelle très choquante, surtout que l'annonce a été faite... ça a été la 1ère fois qu'on voyait ça parce que généralement... nous avons déjà eu des décès dans l'entreprise, suite à des maladies etc... En fait cette nouvelle a vraiment été "balancée" comme ça aux employés. Elle a précédé l'annonce de la direction qui généralement a des termes beaucoup plus... qui annonce des choses de manière beaucoup plus pondérée donc les gens n'étaient pas préparés. Ce n'est pas quelque chose qu'on a l'habitude de voir dans une entreprise, une entreprise de haut niveau où les gens surtout on est dans un site, on a quand même une image d'une entreprise où on vit correctement, où les employés travaillent dans de bonnes conditions, etc...
Ça n'est pas un incident qu'on a l'habitude de rencontré.
C'est-à-dire que c'est dommage, voilà, qu'un tel événement puisse devenir justement un événement syndical, voire électoral, en pleine période d'élection, du comité d'entreprise.
Et cette publication de la lettre de Vicky, je pense que la manière dont elle a été envoyée et presque imposée aux gens, aux personnes, dans toute sa dureté, ça aurait peut-être été fait en deux temps.
Je pense par le C.E. C'est-à-dire, une annonce du décès de Vicky et dans un 2ème temps, annoncer que Vicky avait laissé une lettre et que quelque soit l'employé, elle pouvait être consultée. Je pense que d'avoir imposé cette lettre, beaucoup de gens se sont sentis agressés de la manière dont ça avait été fait.
Anne Sec
Là où le suicide de Vicky doit servir à quelque chose et doit permettre d'ouvrir les yeux effectivement, essayer de mieux gérer le stress au travail, d'éventuels problèmes de communications que rencontrent toutes les grosses entreprises...
donc, aux délégués du personnel, aux membres du comité d'hygiène et de sécurité, des conditions de travail, aux personnels du comité d'entreprise, d'être très attentifs et d'essayer de faire en sorte que les gens vivent au mieux leur travail. Maintenant vous ne pouvez pas demander à mon avis, à de telles structures, à des personnes qui travaillent de pouvoir déceler tous les problèmes et spécialement si ceux-ci ne sont pas remontés parce qu'il ne faut quand même pas oublier que si ça a été un gros choc pour tout le monde, c'est que vraisemblablement aucun mécanisme d'alerte n'a fonctionné. Puisque ni médecin du travail, ni l'assistante sociale, ni le comité d'entreprise en place, ni le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, ni les délégués du personnel n'ont alerté à propos de Vicky Binet.