relative à la protection des fonctionnaires
http://www.dsi.cnrs.fr/RMLR/textesintegraux/volume5/5232-cir2b-84etFP31665.htm
Fonction publique et plan ; Économie, finances et privatisation ; Budget
Texte adressé aux ministres et secrétaires dÉtat.
Larticle 11 de la loi no 83-684 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui reprend les dispositions de larticle 12 de lordonnance no 59-244 du 4 février 1959, prévoit que les fonctionnaires bénéficient, à loccasion de leurs fonctions, dune protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales.
I. Lorsquun fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit dattribution na pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de lexercice de ses fonctions nest pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.
En tout état de cause, il apparaît indispensable que le fonctionnaire informe ladministration dont il relève de toute citation ou assignation qui lui serait délivrée pour des faits survenus au cours ou à loccasion du service. Lorsque le conflit dattribution na pas été élevé, il importe que lagent judiciaire du trésor soit informé sans délai.
A cet égard, nous vous rappelons la distinction entre faute de service et faute personnelle telle quelle se dégage de la jurisprudence administrative.
La faute personnelle est la faute commise matériellement en dehors du service ou la faute particulièrement grave et inexcusable, notamment intentionnelle, commise à lintérieur du service. A linverse, si lacte dommageable est impersonnel, il y a faute de service.
Si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas pécuniairement responsables envers lesdites collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi quand le préjudice quils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles, détachables de lexercice de leurs fonctions (CE 28.07.1951 Laruelle).
Toutefois, comme vous le savez, certaines fautes personnelles peuvent ne pas être dépourvues de tout lien avec le service (CE 18.11.1949 Demoiselle Mimeur).
Il en résulte (CE 28.7.1951 Delville) que, au cas où un dommage a été causé à un tiers par les effets conjugués de la faute dun service public et de la faute personnelle dun agent de ce service, la victime peut demander à être indemnisée de la totalité du préjudice subi soit à ladministration devant les juridictions administratives, soit à lagent responsable devant les tribunaux judiciaires. La contribution finale de ladministration et de lagent à la charge des réparations sera réglée par le juge administratif compte tenu de lexistence et de la gravité des fautes respectives constatées dans chaque espèce (CE 22.03.1957 Jeannier).
Il appartient aux administrations dapprécier, sous le contrôle du juge, si la faute personnelle est ou non détachable du service. Dans tous les cas où elle apparaît comme non détachable du service et, a fortiori, lorsquil sagit manifestement dune seule faute de service, il y a lieu de procéder à lélévation du conflit dattribution lorsque le fonctionnaire est poursuivi par un tiers devant les tribunaux. Il appartient ensuite à ladministration de fixer la part dindemnisation du tiers qui doit être récupérée par contribution du fonctionnaire lorsquune faute personnelle de celui-ci a coexisté avec une faute de service.
Deux séries de circonstances méritent à cet égard une attention particulière :
lorsquun fonctionnaire est poursuivi par un tiers pour faute de service, si le conflit dattribution na pas été élevé et sous réserve quune faute personnelle détachable de lexercice de ses fonctions ne soit pas imputable à ce fonctionnaire ;
lorsquun fonctionnaire est victime de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages à loccasion de ses fonctions.
Vous voudrez bien trouver ci-dessous, pour chacun de ces deux cas, les conditions et modalités dapplication de cette protection.
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Si pour une raison quelconque le conflit na pas été élevé, larticle 11 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que ladministration doit couvrir le fonctionnaire de tout ou partie des condamnations civiles prononcées contre lui pour la part imputable à la faute de service cause du dommage subi par le tiers.
La prise en charge par lÉtat des condamnations civiles prononcées contre le fonctionnaire, en cas de faute de service, sera faite sur le chapitre relatif aux « Frais judiciaires et réparations civiles » (en général 37-91) de chaque département ministériel.
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II. La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à loccasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
A Nous vous rappelons que le Conseil dÉtat à dégagé les conditions suivantes en ce qui concerne lapplication de la protection :
il doit y avoir un lien entre les attaques et lexercice des fonctions (CE 10.1.1969 Grafmüller) ; mais le champ dapplication de la protection est élargi par la loi du 13 juillet 1983, qui apporte une modification importante par rapport à lordonnance du 4 février 1959 en ce quelle substitue à la notion dattaque commise à loccasion de lexercice des fonctions celle dattaque commise à loccasion des fonctions ;
le préjudice doit être direct (CE 26.03.1965 Villeneuve) ;
le juge apprécie si les agissements incriminés ont le caractère dattaques justifiant la protection du fonctionnaire (CE 13.02.1959 Bernadet) ;
lattaque peut consister aussi bien en des violences physiques volontaires contre un fonctionnaire quen des violences verbales ou écrites (CE 13.02.1959 Bernadet) ou des dommages aux biens (CE 06.11.1968 Benejam). Dans ce dernier cas, en labsence de faute de ladministration, le dommage doit avoir un lien avec le service accompli par lintéressé (CE 06.11.1968 Morichère).
B Sur les modalités pratiques de la protection, il doit être fait application des règles suivantes :
a) En cas de dommages matériels, lindemnisation peut être immédiate, dès lors que les pièces justificatives ont été produites, sans quil soit nécessaire de savoir si les auteurs de lattaque ou de lattentat ont été identifiés ou non. Cette indemnisation sera faite sur le chapitre précité 37-91 des départements ministériels.
Lorsque le fonctionnaire a subi un dommage de ce type alors quil était soumis à un risque exceptionnel, il est indemnisé sur le fondement de la responsabilité pour risque (CE 16.10.1970 époux Martin) ou en application du principe de légalité devant les charges publiques (CE 19.10.1962 Perruche).
Toutefois, ladministration est fondée à récupérer les sommes quelle aura versées à son agent en se constituant partie civile. En effet, conformément à lalinéa 4 de larticle 11 de la loi du 13 juillet 1983, la collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, dune action directe quelle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale.
b) Conformément aux principes généraux dégagés par la jurisprudence du Conseil dÉtat, la pension ou lallocation temporaire dinvalidité est réputée réparer forfaitairement tous les dommages corporels et les préjudices personnels (pretium doloris, troubles dans les conditions dexistence, douleur morale, préjudice esthétique, préjudice dagrément) (CE section 16.10.1981 René Guillaume et Germanaud ; CE 02.10.1964 époux Bouchon).
Toutefois, si lauteur de lattaque ou de lattentat est connu et savère solvable, la fixation des diverses indemnisations est effectuée par le juge sur action directe de la victime contre lauteur de lattaque, étant entendu que le fonctionnaire peut obtenir le remboursement de ses frais de justice et davocat (voir conditions ci-dessous).
C La question a été posée de savoir sil convient détendre le bénéfice de la protection des fonctionnaires à leurs ayants cause.
Le problème est de nature différente suivant que les membres de la famille du fonctionnaire sont eux-mêmes victimes dun préjudice ou que cest le décès du fonctionnaire qui entraîne un préjudice grave pour la famille.
a) Dans le premier cas, les membres de la famille du fonctionnaire qui ont subi un préjudice corporel, nétant pas fonctionnaires, ne peuvent bénéficier de la protection de larticle 11 de la loi du 13 juillet 1983.
Il convient donc, dans cette hypothèse, de leur faciliter, sils remplissent les conditions, lobtention dune indemnité en vertu des articles 706-3 à 706-13 du code de procédure pénale.
Il paraît utile de leur rappeler quelles sont les conditions :
lauteur de lagression doit être inconnu ou insolvable,
les faits doivent avoir causé un dommage corporel et avoir entraîné soit la mort, soit une incapacité permanente, soit une incapacité totale de travail personnel pendant plus dun mois,
le préjudice doit consister en un trouble grave dans les conditions de vie résultant dune perte ou dune diminution de revenus, dun accroissement de charges, dune inaptitude à exercer une activité professionnelle ou dune atteinte à lintégrité soit physique, soit mentale,
la personne lésée ne peut obtenir, à un titre quelconque, la réparation ou une indemnisation effective et suffisante de ce préjudice.
b) Si le fonctionnaire lui-même décède à la suite dun attentat ou dune lutte à loccasion de ses fonctions, la réparation prévue à larticle 11, alinéa 3, de la loi du 13 juillet 1983 ne sapplique pas dans la mesure où ce texte ne vise que la protection du fonctionnaire à titre personnel.
Cest pourquoi différentes mesures ont été adoptées pour répondre à ce type de situation.
1. Le décret no 81-329 du 3 avril 1981 accorde une protection particulière aux enfants de magistrats, fonctionnaires civils et agents de lÉtat décédés des suites dune blessure reçue ou disparus dans laccomplissement dune mission ayant comporté des risques particuliers ou ayant donné lieu à un acte dagression.
Des dispositions similaires ont été prévues par le décret no 82-337 du 8 avril 1982 en faveur des enfants des personnels employés par les collectivités locales.
2. Un article L.37 bis a été introduit par la loi de finances rectificative pour 1977 dans le code des pensions civiles et militaires de retraites, aux termes duquel la pension de reversion concédée à la veuve, augmentée soit de la moitié de la rente viagère dinvalidité dont aurait pu bénéficier le fonctionnaire, soit de la pension prévue par le code des pensions militaires dinvalidité, ne peut être inférieure à la moitié du traitement afférent à lindice brut 515.
La loi de finances rectificative pour 1979 no 79-1102 du 21 décembre 1979 a édicté des dispositions similaires en faveur des orphelins.
3. Par ailleurs, le régime de sécurité sociale des fonctionnaires a été modifié par le décret no 78-480 du 29 mars 1978 afin que le capital-décès, augmenté éventuellement de la majoration pour enfant, soit versé trois années de suite.
D Si, en cas de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages ayant fait grief au fonctionnaire, celui-ci entend déposer une plainte et se constituer partie civile pour obtenir des juridictions répressives lindemnisation de ses préjudices personnels, il peut bénéficier du remboursement des honoraires et des frais de procédure résultant de son action. Ce remboursement sera effectué sur le chapitre précité 37-91 des départements ministériels.
Lapplication de ce principe doit néanmoins obéir à un certain nombre de règles.
1. Ladministration doit avoir donné son accord au fonctionnaire sur lengagement des poursuites ou manifesté son appui par le dépôt dune plainte destinée à corroborer la plainte de lintéressé.
2. Si lagent na pas fixé son choix sur un défenseur particulier, il lui est proposé de le prendre sur la liste des avocats agréés de son administration ou, sil nen existe pas, sur la liste de ceux qui représentent les intérêts de lagence judiciaire du Trésor. En concertation avec cet avocat, le fonctionnaire fixe le montant de la réparation des préjudices personnels quil entend réclamer.
Les instructions données à lavocat agréé ont pour objectif dassurer la défense des intérêts matériels et moraux des fonctionnaires et de faire valoir le prix que ladministration attache à la protection de ses agents. A cet effet, lavocat sassocie à lintervention du ministère public pour que la culpabilité des prévenus soit établie et que les agissements ayant porté atteinte au bon fonctionnement des services publics soient sanctionnés comme il convient.
3. Même si lagent choisit personnellement son défenseur selon des critères qui lui sont propres sans avoir recours au truchement de ladministration, il convient quil prenne contact avec le service du contentieux de son administration, notamment afin de connaître les conditions dans lesquelles la prise en charge des frais davocat sera effectuée. Le remboursement des honoraires davocat ne devrait pas dépasser le montant habituellement alloué aux avocats du Trésor dans des affaires comparables.
4. Le montant des condamnations civiles prononcées au profit du fonctionnaire lui revient intégralement.
Lagent judiciaire du Trésor exerce parallèlement le recours de lÉtat contre les auteurs des faits pour obtenir le remboursement des sommes versées au fonctionnaire tant au titre des réparations des dommages matériels quau titre des prestations statutaires ayant couvert les préjudices corporels. Si ladministration intéressée lestime opportun, il peut demander en outre lindemnisation du trouble apporté au bon fonctionnement du service public.
5. Dans les cas de diffamations ou de dénonciations calomnieuses, lavocat demande pour le compte du fonctionnaire, à titre de réparation et aux frais du condamné, linsertion dans la presse de la décision de condamnation. Le service juridique de ladministration fait lavance des frais de cette insertion, au besoin à perte si le condamné est insolvable.
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Compte tenu de la diversité des situations pouvant se présenter,
les services du ministre délégué auprès du Premier
ministre, chargé de la Fonction publique et du plan, et du ministre
délégué auprès du ministre de lÉconomie,
des finances et de la privatisation, chargé du Budget, sont à
votre disposition pour vous fournir toutes précisions supplémentaires
qui pourraient savérer nécessaires