"Les Harcèlements du Cur"
Le récit qui va suivre est le compte rendu non exhaustif des agissements du Chef de dépôt et de certains bénévoles d'une association très connue en France, qui fournit de la nourriture aux personnes défavorisées. Cela s'est déroulé en 2003. Je précise que les conséquences du harcèlement subi ont été pour moi une dépression nerveuse caractérisée par d'immenses colères, une prise de poids de 15 kg en deux mois, et une reprise de la cigarette après 7 ans d'arrêt, sans oublier l'arrêt progressif des arts martiaux que je pratiquais depuis 10 ans et dont je compte faire mon métier plus tard. Après avoir finalement démissionné, (il y a moins d'un mois) je commence à retrouver la forme physique et le moral. Je reprends mes activités sportives.
Voici mon histoire
L'association où
je travaillais fonctionne par relais : plusieurs dépôts en Gironde
stockant des denrées alimentaires livrées par la suite aux différents
centres de distribution. J'occupais l'un des postes de livreur et préparateur
de commandes au dépôt de la ville de Bruges en Gironde, et cela
depuis cinq mois, dans le cadre d'un Contrat Emploi Solidarité. Je
travaillais donc à mi-temps. J'ai 26 ans.
Malencontreusement, des incompatibilités d'humeur se manifestèrent
dans les premières semaines de mon contrat entre moi-même et
le Chef de dépôt. Je dirais plutôt que ce dernier ne supportait
pas le fait que je ne sois pas le genre à garder profil bas. Je ne
suis pas le genre à me complaire dans une attitude de victime, et ce
n'était pas mon travail qui déplaisait au monsieur, mais ma
personnalité. J'estime que la situation est allée trop loin.
Le personnel ne doit jamais être mêlé au professionnel.
Dès le premier matin de mon arrivée, nous étions dans
la salle de pose qui sert également de cuisine, et nous buvions le
café, lorsque l'un des employés en contrat CES (la majorité
sont des CES et des bénévoles), âgé de 45 ans,
eut une violente altercation avec le Chef de dépôt. A première
vue, il me sembla que ce collègue exagérait, car le Chef de
dépôt prenait un air consterné, comme si l'autre l'avait
engueulé gratuitement, mais j'avais manqué le début.
Par la suite, je constatai que cet air innocent n'était qu'une minauderie
de manipulateur qui veut nuire à ses subalternes en gardant l'approbation
de tous.
Au niveau du travail, je commençai à apprendre la méthode
simple de préparation de commandes, et il était naturel que
je pose un minimum de questions à ce sujet, afin de ne pas commettre
d'erreurs dans le choix des produits. D'ailleurs, les commandes étaient
souvent compliquées par des abréviations dont le sens était
connu des seuls habitués, ce qui obligeait un néophyte à
poser des questions, d'abord aux collègues, mais souvent au Chef de
dépôt. Mais celui-ci, imbu de son pouvoir de petit chef dont
l'envergure n'a rien d'enviable, ne supportait pas que je lui pose la moindre
question de travail. Il entravait le déroulement de mes activités
en m'obligeant à deviner, et en n'hésitant pas à me reprocher
par la suite d'avoir commis des erreurs dans la préparation des commandes
!
Un jour où nous faisions la pose habituelle et autorisée de
10 h, il osa me blâmer d'être resté trop longtemps en pose,
alors qu'à son arrivée dans la salle de pose nous étions
deux employés du dépôt à avoir démarré
la pose en même temps. Il ne s'adressa qu'à moi, et montra par
cette maladresse qu'il réglait un compte personnel dans un cadre professionnel.
De plus, il y avait peu de commandes à cette époque, et bien
qu'étant dans l'entrepôt, nous passions souvent notre temps à
faire du classement facultatif. Je ne pouvais pas aller aux toilettes sans
être regardé d'un sale il et très souvent réprimandé.
C'est tout de même aberrant.
Des reproches incessants, des provocations dérisoires pour des motifs
(professionnels) inexistants ont été mon quotidien durant cinq
mois dans cette association qui prétend, en plus de ses activités
humanitaires, aider les gens à s'insérer dans le monde du travail
!
Cet homme n'a aucune culture, aucune compréhension de la vie malgré
son âge, car il se permettait de traiter les manutentionnaires d'idiots
en leur absence, et les considérait comme des moins que rien. C'est
un adolescent attardé à qui l'on confie des responsabilités.
Malheureusement pour son ego surdimensionné, je possède une
répartie qui avait le don de le mettre hors de lui quand il tentait
de faire avec moi ce qu'il faisait à d'autres sans risques. Malgré
cela, les situations tournaient en sa faveur, à cause des préjugés
qu'ont les bureaucrates envers les manuels. Mais ces gens ignorent trop souvent
qu'un manuel peut avoir un niveau intellectuel supérieur à celui
qui est son chef. De nos jours, le niveau bac ne donne aucune reconnaissance
sans le diplôme, et l'on peut se retrouver balayeur en dépit
de ses capacités...
Le moindre prétexte était valable pour me parler sur un ton inacceptable. Quand on déteste quelqu'un et qu'on est son chef au travail, il est extrêmement facile d'abuser de son pouvoir, cela ne demande aucun courage, aucune force de caractère, sachant qu'on est couvert par sa place dans la hiérarchie. Mais je peux dire qu'il n'est pas passé loin de prendre un bonne raclée de ma part, chose qu'il aurait bien mérité. Heureusement pour lui, j'évite de frapper dans ce qui éclabousse.
Il faut savoir que dans l'association, règne une ambiance de suspicion, car tout le monde accuse tout le monde d'être un manipulateur. Après cela, on prétend honorer par de la haine la mémoire du fondateur l'association, mais on ne fait que la salir, en appliquant au sein même des locaux la politique la plus injuste. Ces attitudes destructrices de l'ensemble des entreprises et associations malsaines, ont une incidence catastrophique sur la société, et contribuent à l'ambiance tendue des villes que nous détestons tous. Je pense que bien des familles explosent à cause du stress accumulé dans ce genre d'entreprise ou d'association. C'est toute une société qui en fait les frais.
Il est difficile de trouver
les mots justes pour décrire à quel point il est invivable d'être
obligé de se battre tous les jours pour forcer quelqu'un à vous
respecter. On ne sait pas quand la coupe du chef mal luné sera pleine,
on voudrait faire son boulot comme les autres, mais ce n'est toujours pas
possible dans une association dite "philanthropique"...
C'est à se demander où sont les philanthropes, et où
se trouvent les idéaux défendus par le fondateur. J'ai connu
des gens bien plus généreux dans des milieux où le capitalisme
était la seule "philosophie". A quoi bon, après cela,
se targuer du fait d'être bénévole ou employé dans
une association à but humanitaire ?
Après chaque dispute violente avec le Chef de dépôt, ce dernier s'empressait d'en parler au Personnel, afin que j'aie mauvaise réputation et qu'il conserve son image de "type formidable" engueulé par un jeune, alors qu'il me cherchait toujours des problèmes. De ce fait, les seuls à me comprendre étaient ceux à qui il faisait la même chose (nous étions deux), et qui étaient également dénigrés, de façon à faire de nous des marginaux aux yeux de la majorité. C'est tout bonnement le mécanisme de l'exclusion, perpétré par un membre d'une association qui tente, officiellement, de lutter contre ce fléau. Le paradoxe est de taille...
En supplément de
ces incohérences, je tenais à dénoncer le fait inacceptable
que le règlement intérieur n'est pas le même, officieusement,
pour un Contrat Emploi Solidarité que pour un Contrat Emploi Consolidé
(le Chef de dépôt était en CEC) ou un bénévole.
Effectivement, le règlement stipulait qu'il était interdit pour
chacun(merci de mettre "pour chacun" en italique) de prendre de
la nourriture dans les dons entreposés, sous peine de licenciement.
Des manutentionnaires s'étant fait prendre avec une seule boîte
de conserve furent licenciés sans appel.
Mais paradoxalement, le Chef de dépôt et certains bénévoles
se servaient à volonté dans les dons sans la moindre inquiétude
et en toute impunité ! C'est d'autant plus scandaleux quand on sait
qu'un Contrat Emploi Solidarité touche un salaire de 20 heures par
semaine sur la base du SMIC, qu'un Contrat Emploi Consolidé (le Chef
de dépôt) touche un salaire de 30 heures sur la même base.
Les bénévoles, eux, sont pour la plupart retraités, et
arrivent le matin dans des voitures de luxe...
Savoir que le Chef de dépôt et certains bénévoles
se servent en toute impunité dans les stocks de nourriture, remplissent
le coffre de leur voiture et que pendant ce temps, un pauvre gars qui se déplace
en bus et touche la moitié du SMIC est licencié pour la moindre
boîte de sardine emportée, constitue un scandale que je voudrais
voir un jour dénoncé par la presse. C'est le paroxysme de l'injustice.
Je suis écuré.
Je pense avoir fait rapidement le tour de ce qui se trame au sein de l'association
la plus hypocrite que j'aie jamais connu. Je souhaite que le lecteur comprenne
qu'il n'est pas nécessaire d'être harcelé pendant des
années pour en pâtir, et que ce témoignage aide les gens
à réagir avant d'être brisés. Par ailleurs, les
inégalités que l'on peut constater en dépit des règlements
égalitaires contribuent aussi à pourrir l'ambiance dans le monde
du travail. Comme je l'ai montré, le règlement n'est pas le
même, officieusement, pour un manutentionnaire que pour un Chef de dépôt
et un bénévole. Il serait temps qu'on arrête de prendre
les travailleurs précaires pour des accessoires jetables, des citoyens
de seconde zone, et que l'Etat mette en place des moyens de répression
contre une forme de racisme qui n'est jamais punie, et dont les médias
ne parlent pas assez.
Merci.
Emmanuel DELOR