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Journée de formation du 13 février 2003 à l'initiative de l'Union locale CGT Marseille centre

avertissement :
ce sont mes notes prises à la volée.. elles valent ce qu'elles valent.

Le harcèlement moral

Journée de formation sur l'initiative de l'Union locale de la CGT à Marseille
Animée par 3 contrôleurs du travail syndiqués.

I - ASPECT REGLEMENTAIRE
II - LIEN ENTRE HM ET ORGANISATION DU TRAVAIL
III - ROLE ET STRATEGIE SYNDICALE
IV - COMMENT METTRE EN PLACE UNE PROCEDURE PRUD'HOMMALE ET PENALE

I - ASPECT REGLEMENTAIRE

Il existe plusieurs articles de loi que l'on retrouve dans le code du travail, le code pénal, le code civil et le code de la sécurité sociale (voir documents en annexe)
La loi sur le harcèlement moral est récente : 3 janvier 2002.
Antérieurement à cette loi spécifique, il existe une jurisprudence qui s'appuie sur le code pénal (mise en danger d'autrui jusqu'à la tentative de suicide ou suicide). La loi du 3 janvier 2002 a modifié le code du travail.

1 - Modification de la loi sur le harcèlement moral

Attention : la loi a été modifiée. " Art. L. 122-52. - En cas de litige relatif à l'application des articles L. 122-46 et L. 122-49, le salarié concerné Les salariés devront " établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement" au lieu de présenter "des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement". Cette modification est due à l'augmentation des plaintes et aux abus. A cause de l'effet médiatique tout le monde se croit harcelé alors qu'il peut s'agir d'une simple remise en cause du pouvoir disciplinaire de l'employeur par le salarié ;

2 - Comment prouver l'atteinte ?

Il faut qu'il y ait des agissements répétés, s'il s'agit d'un acté isolé, il n'y a pas de harcèlement moral. Il faut aussi qu'il y ait une atteinte au droit du salarié et à sa dignité qui entraîne une altération de sa santé physique et mentale.
Il faut que ce HM compromette l'avenir professionnel du salarié. Les conditions pour rentrer dans le cadre d'un HM sont énumérées avec des OU mais souvent dans un HM on retrouve l'ensemble des conditions ou des faits. Dans la pratique, il n'y a pas d'élément isolé mais un ensemble d'éléments. Plusieurs effets sont cumulatifs.
Le HM a un impact sur la vie privée et familiale du salarié.
L'employeur ou le harceleur va prétendre que la personne est fragile car elle a des difficultés personnelles afin de dégager sa responsabilité. C'est un phénomène récurent.

3 - la médiation

Le code du travail a introduit aussi une médiation mais la loi a été modifiée. Le médiateur avait un statut de salarié protégé. Cette protection a été enlevée par le législateur en janvier 2003.

4 - les délégués du personnel

Il est également prévu des possibilités d'interventions des délégués du personnel qui ont un droit d'alerte. L'employeur doit procéder à une enquête avec le délégué du personnel et doit y remédier. Il peut y avoir un référé prud'homal sur cette question.

5 - Le rôle du syndicat

Il est prévu dans le code du travail : " les organisations syndicales peuvent attaquer en justice avec l'accord de la victime qui peut demander à tout moment l'arrêt de la procédure "
Les difficultés financières
Le syndicat peut aider financièrement le salarié à payer l'avocat et les frais de justice.
Le syndicat doit tout mettre en œuvre pour aider la victime aussi bien financièrement que juridiquement et mentalement. En effet, le HM entraîne des difficultés financières qui ne doivent pas être ignorées par le syndicat. Les victimes parlent rarement de ces problèmes-là qui sont pourtant énormes. C'est au syndicat à prendre le relais sur le plan de la prise en charge financière et pour d'aller devant les tribunaux. Cependant, avant d'entamer une telle procédure judiciaire, il faut attendre que la victime aille mieux.

6 - L'obligation de l'employeur

La loi du 17.1.2002 a modifié l'article L 130.2 du code du travail sur l'obligation faite à l'employeur de prévenir les risques professionnels en introduisant l'obligation de l'employeur de protéger la santé PHYSIQUE ET MENTALE du salarié.
Si des salariés sont en arrêt maladie à cause des conditions de travail, c'est l'employeur qui est responsable car la mise en arrêt maladie est directement liée avec l'organisation du travail. L'employeur doit prendre des mesures : prévention, information, formation, mise en place de moyens adaptés. Il a l'obligation d'évaluer les risques.

7 - Le code pénal

On peut aussi utiliser le code pénal : 5 articles
Sur la mise en danger d'autrui
Le code pénal sanctionne la non prise de mesure par l'employeur. Les sanctions sont plus lourdes. Le fait de provoquer le suicide d'autrui ou la tentative de suicide est sanctionné de 3 ans d'emprisonnement. La personne morale est aussi responsable des infractions qui relèvent du HM.

8 - Quelles sont les incidences de la loi d'amnistie sur les infractions ?

Sur les infractions commises avant mai 2003, les délits relatifs au harcèlement moral ne sont pas amnistiés.

9 - Le pouvoir et le rôle du CHSCT

Le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Les CHSCT existent dans les entreprises de plus de 50 salariés. La victime peut saisir le CHSCT qui a un rôle de prévention. Il doit mener une enquête pour faire ressortir l'organisation de travail qui a été mise en place et qui a abouti à un HM. Le CHSCT doit publier un rapport. Il faut donc faire attention à la plainte pour diffamation.
Le CHSCT peut demander la nomination d'un expert pour revoir l'organisation. En cas d'absence de CHSCT et de délégué du personnel, la victime peut s'adresser à l'Inspection du travail.

II - LIEN ENTRE HM ET ORGANISATION DU TRAVAIL

Le syndicat doit se poser plusieurs questions :
Lorsque le HM touche plusieurs personnes, s'agit-il vraiment de HM ou d'une revendication syndicale collective ? Quand il n'y a qu'une personne victime, peut-on dire qu'elle avait le profil pour cela ?
Le syndicat préfère attaquer l'organisation du travail. C'est le travail qui a provoqué cette situation de HM. La dérive dans un cas de HM, c'est de parler exclusivement de HM ! On en arrive à parler de problèmes d'ordre relationnels voire psychiatriques alors qu'il faut davantage parler de la dégradation des conditions de travail.
Il ne faut pas psychiatriser ce phénomène. Le médecin du travail peut être tenté de dire qu'il faut chercher dans la fragilité de la victime un problème dans sa vie passée.

1 - Comment prévenir pour qu'une personne ne rentre pas dans un processus de culpabilité ?
Bibliographie : Christophe Desjours, Souffrances en France, Editions du Seuil, 1998.

Derrière un problème relationnel d'un individu à un autre, on retrouve souvent un problème d'organisation du travail comme la restructuration d'un service dans lequel les salariés ne rentrent pas dans le profil souhaité et certains risqueraient de dénoncer certaines choses passées.
Ceux qui s'en sortent sans maladie ont trouvé d'autres portes de sorties (dans le travail).
Il y a des collègues qui se posent des questions sur leur avenir professionnel (exclusion ? dans le passage du service au sein d'une administration au privé que se passe-t-il pour les agents ?)
Intervention : tout le monde n'a pas la capacité de faire du HM car il faut une certaine finesse. Certains veulent " casser " les syndiqués CGT mais de façon douce pour que cela ne se voie pas.
Autre intervention : Mais il y a des harceleurs qui n'utilisent pas la manière fine car ils insultent et leur façon de harceler se voit car ils n'arrêtent pas de faire des lettres de menaces à ses ou son employé.

2 - Plusieurs méthodes de harcèlement

Intervention : la DRH (direction des ressources humaines) reçoit des formations pour mettre la pression sur les chefs ou gérants (par exemple dans la restauration) les gérants mettent la pression sur le petit personnel pour atteindre tous les jours des objectifs, le chiffre à faire. C'est du harcèlement psychologique.
Les dégradations des conditions de travail ont un objectif de rendement.
Tout individu peut devenir harceleur. L'attitude ne vient pas que de l'individu mais de la fonction qui le conduit dans un certain contexte de rentabilité, à mettre la pression aux salariés pour obtenir du rendement.
Certains militants syndicalistes qui obtiennent une promotion changent de langage, voulant même réformer des agents de la fonction publique (non-employables selon eux) au non d'un soi-disant intérêt de bien-être du salarié. Ce serait lui rendre service de le virer autant qu'à l'administration.
Même dans la Fonction publique, il faut obtenir un résultat. Un directeur peut mettre en place une méthode de management qui va faire fuir certains salariés.

3 - Qu'est-ce qu'un harceleur ?

Il existe différentes formes de harcèlement mais souvent une même victime subit un mélange de toutes les formes.
Comment savoir si la personne est vraiment harcelée ?
Il ne faut pas partir dans une action qui risquerait d'envenimer les choses et obtenir une plainte en diffamation. Il ne faut pas laisser un salarié dans un délire de harcèlement moral si cela n'en est pas.

4 - Ce que ressent le harcelé
4.1. - La phase d'alerte :

C'est le changement dans le comportement de la personne qui n'est pas toujours repérable. Ça peut être de l'anxiété, des troubles du sommeil, une envie de ne plus rien faire, une grande fatigabilité… le salarié se croit dans une mauvaise passe et pense que ça va passer et qu'il va tenir parce que c'est provisoire. " je vais faire attention à bien faire ". Il est dans une attitude défensive qui devient active pour ne pas être pris en défaut. Cette phase peut durer plus ou moins longtemps.
Puis il y a une montée en puissance dans le cas d'une personnalité perverse. Si la victime adopte une attitude de souplesse et s'écrase, cela créé un manque chez le harceleur qui amplifie sa pression.

4.2. -la phase de décompensation

Elle se caractérise par de la dépression, une poussée d'angoisse, un blocage pour aller au travail, des cauchemars, des scènes qui reviennent en boucle dans la mémoire… jusqu'à l'enfermement mental. La personne ne parle plus (elle se met en retrait) jusqu'à la dépression grave avec arrêt maladie, du désintérêt pour ce qui se passe au travail, dans le privé, vie sociale et vie familiale. Ça arrive peu à peu ou la rupture se fait par palier supplémentaire. (mal au dos, cou bloqué, problèmes psychosomatiques, kyste au sein qui se met à se développer)

5 - Les 4 formes de HM

5.1. - le classement individuel.

C'est le plus classique. Une personne perverse dans un but gratuit, pour valoriser son propre pouvoir, va pratiquer le HM. La victime, par son sens du travail bien fait, dérange le harceleur. Il peut s'agir d'un salarié qui a surinvesti son travail, d'une femme dans un milieu d'hommes ou l'inverse, d'une personne d'origine étrangère… Un certain sens du service public de ces agents dérange le harceleur.

5.2. - le HM d'origine stratégique

Le harceleur veut se débarrasser d'une personne pour éviter de la licencier. Il met la pression pour que cette personne démissionne. Cela concerne les salariés trop anciens donc trop coûteux et ce cas de figure se met en place surtout lors d'une fusion dans une entreprise. Les salariés ayant une mémoire, une pratique qui va à l'encontre de la nouvelle direction qui fonctionne autrement, sont les plus touchés par cette pratique. Les salariés syndiqués sont aussi visés car l'acquéreur veut se débarrasser des représentants du personnel. Est-ce- de la discrimination syndicale ou du HM ?

Intervention : il y a une augmentation du HM en parallèle avec une baisse du syndicalisme, baisse du pouvoir du salarié, baisse de sa défense.

L'explication : à un moment donné, en 1974, il y a eu une mutation profonde de la société. Les rapports ont changé. Les grandes unités ont disparu pour faire place à de petites unités. Les personnes se sont retrouvées isolées et ont été plus facilement harcelables.
Il faut repérer l'objet à atteindre : limiter l'activité du syndicaliste ou s'en débarrasser ?
La faiblesse du syndicat permet l'émergence de cette stratégie de gestion. Il y a un cas où il faut découvrir ce que cache une manifestation avec occupation des locaux pendant 28 jours. Est-ce vraiment des revendications financières ? Les salariés n'ont rien obtenu au niveau financier mais leurs revendications ont dérivé sur le droit au respect et à la dignité et les salariés ont réussi à s'exprimer sur ce sujet dans le collectif. Il s'est créé des liens. Les collègues se sont reconstruits dans la lutte jusqu'à faire une fête à la fin.
La solution vient d'une reconstruction dans la lutte collective.
Intervention : Avant il y avait plus de solidarité (l'intervenante travaille aux Assedic) les gens luttaient ensemble pour obtenir quelque chose. Maintenant l'isolement laisse place au HM ;

5.3. - le HM institutionnel

C'est une stratégie de gestion du personnel. On va mettre dans la société une stratégie particulière basée sur le stress pour pousser les salariés à donner le maximum ou s'en débarrasser. Ça peut être une stratégie involontaire que l'on croyait efficace et qui va entraîner du HM. Le harceleur peut ne pas avoir conscience du fait qu'il harcèle. Le dépôt de plainte d'un salarié en souffrance contre le comportement de son patron qui met en danger la santé des salariés auprès du contrôleur du travail déclenche l'enquête des contrôleurs. Au départ il s'agissait d'un conflit sur l'application des 35 heures mais en fait c'est du HM qui est ciblé à cause d'une organisation de travail et la personnalité d'un directeur qui avait accumulé trop de fonctions et étaient lui-même en grande souffrance. C'est donc un problème d'organisation de travail et un problème de comportement de l'individu qui avait une attitude machiste (tenait des propos sexistes et racistes). Sur le fond, ce n'était un pervers mais plutôt un brave type. Il n'avait pas conscience des dégâts qu'il occasionnait.
Intervention : on a cultivé l'individualisme alors qu'avant un collectif aurait remis le directeur dans les rails. Les structures évoluent avec des intervenants divers (emplois précaires, CES, CDD, CDI…)
Il faut faire un constat mais il faut surtout agir et s'adapter en tant que syndicat CGT pour lutter contre le HM.
Le syndicat prend-il en compte tous les problèmes ?
Il faut se poser des questions sur le fonctionnement du syndicat. Comment a-t-on pu ne pas remarquer tel cas de harcèlement moral ?
Intervention : l'image du syndicat quel qu'il soit n'est pas excellente.

5.4. - le HM transversal

Pour une équipe, un service, la faciliter ça va être d'expulser la souffrance collective sur une personne qui devient le bouc émissaire. La personne est souvent à un poste particulier par rapport aux autres, et fait un travail différent. Elle va être montrée du doigt, sera exclue, tout va être de sa faute… jusqu'à ce qu'elle craque. C'est un problème d'organisation de travail qui a provoqué ce transfert. La victime focalisera tous les problèmes. Ce type de HM se développe beaucoup.
La stratégie par objectif entraîne une augmentation du stress et de la souffrance même dans la Fonction publique. L'équipe se crée un objectif et malheur à celui qui n'atteint pas l'objectif ou qui part en formation ou en congé maladie. Le collègue ne fait plus respecter ses droits (syndicaux) sinon il se fait exclure du groupe. Le temps partiel dérange aussi beaucoup.

6 - Les techniques de HM

Elles sont récurrentes et classées en plusieurs groupes :

6.1. - La technique relationnelle :
D'individu à individu

Le chef assoit son pouvoir, il tutoie mais se fait vouvoyer, il dévalorise son subordonné, il parle fort, il refuse de dire " bonjour " ou " au revoir " ou " merci ", tous les jours. Il critique systématiquement le travail, il critique la personne sur son physique, sur sa façon de s'habiller, il émet des injures à caractère sexiste ou raciste…
Cela peut se traduire par une cessation de toute communication verbale et tout se fait (les ordres sont donnés) par écrit ou par un intermédiaire.
Cela peut être aussi un changement d'horaires pour que la victime ne puisse pas avoir de contact avec ses collègues, elle n'est pas prévenue de réunions…
Les collègues n'ont pas le droit de lui adresser la parole.

6.2. - La technique de persécution

Cela se traduit par un contrôle excessif du travail, des pauses, des absences… tout est noté.

6.3. - Critiquer le travail

Le but est la perte du sens de ce que le salarié fait, le désorienter. Cela peut être des ordres paradoxaux ou contradictoires. Le harceleur lui demande de faire une tâche déjà faite, il corrige une faute inexistante, il donne des consignes confuses ou contradictoires. Cette méthode est source d'erreur. Il fait venir le salarié et le fait attendre pour rien. Il lui donne du travail à faire urgent 5 mn avant que la victime parte de son travail pour aller chercher son enfant à l'école.
Il le prive de bureau, d'ordinateur, de téléphone, les dossiers disparaissent. La victime développe une hyperactivité mais va craquer et décompenser.

6.4. - La technique punitive

Le supérieur met le salarié en position de justification constante
Ce sont des notes de services qui se systématisent, puis des lettres en recommandé avec accusé de réception, pour arriver à des lettres d'avertissement (injustifiées). Il lui est reproché des choses fausses mais dont il lui est difficile de prouver le contraire. Cela peut aussi être la suppression de congés, des heures supplémentaires non payées ou un refus de remplir l'attestation patronale pour la sécurité sociale (pour les arrêts maladie)

Souvent il y a un changement au sein de l'entreprise et il y a des salariés qui résistent. Ce sont des gens qui ont une mémoire, qui ont été témoins de choses inavouables qui sont visés. Il faut s'en débarrasser pour la tranquillité du nouveau patron ou directeur.

Il n'y a pas de profil de victime. C'est la place à un moment donné d'une personne dans le contexte donné qui entraîne l'apparition du HM. Une personne peut résister tandis qu'une autre va craquer.
C'est parce qu'il y a un contexte donné que la personne va craquer. Le choix peut se porter sur une personne fragile parce c'est le plus facile.
Intervention : c'est le contexte et les conditions qui font la fragilité de l'individu.

III - ROLE SYNDICALE ET STRATEGIE SYNDICALE.

Le syndicat n'a pas la prétention de donner une stratégie sans faille mais de donner son fonctionnement face à des cas vécus, donc son expérience.
Plusieurs idées
Le HM et la souffrance au travail sont difficiles à établir et ce d'autant plus que la loi a été modifiée et que les salariés doivent établir des faits. Mais dans la pratique, les juges demandaient déjà des faits.

Le syndicaliste ne doit pas aider seul

Un dossier de HM doit être porté collectivement par une équipe syndicale (minimum 2 personnes). Le vécu d'une victime est difficile à porter seul. Il ne faut pas qu'il y ait un seul camarade à s'occuper d'un dossier. Le conseil est :

" Ne pas agir seul quelle que soit l'étape de l'enquête ".

Agir seul serait se casser la figure, c'est prendre le risque de ne pas trouver les mots, faire plus de dégâts en écoutant une victime et en lui parlant si on n'a pas compris le problème ou si on est maladroit à s'exprimer. Les mots prononcés par celui qui doit aider ont un sens pour la victime ainsi que l'attitude dans un entretien. L'autre camarade peut rattraper une maladresse en temps réel.

L'analyse de la situation est-elle partagée par les camarades ?

Problème de divergence : chacun a un vécu et une sensibilité différente. Il faut donc s'échanger des idées et chercher une solution à plusieurs.
La priorité n'est pas d'aller devant la juridiction Pénale mais de voir le médecin du travail d'abord, de rencontrer le directeur ou le PDG… par exemple.
Il faut revoir la victime pour éclaircir des points de détails qui ont leur importance. Le fait de décider de passer d'une étape à une autre est une décision collective. Par exemple, aller voir le médecin du travail, comment et à quel moment dire à la victime qu'il n'est pas urgent d'aller au pénal et qu'il vaut mieux attendre…
Il y a des étapes où le syndicat croit avoir avancé et en fait, non. La personne en souffrance marche par avancées et par reculs. Il faut tenir compte de ces reculs.

Mi-temps thérapeutique ou temps plein ?

Le syndicat doit l'amener à reprendre le travail à temps plein pour se reconstruire. Le mi-temps thérapeutique est à déconseiller car la victime serait mise dans un coin.
La 1ère démarche, c'est de trouver une solution pour la remettre dans le milieu du travail et non d'aller au Pénal.

Les problèmes financiers à ne pas sous-estimer

Il cite le cas d'une personne qui avait repris et qui était en train de se reconstruire (souriante) mais elle a rencontré des problèmes financiers (son changement de travail la faisait perdre 800 F par mois) qui ne sont pas secondaires. La victime a fini par s'effondrer et a replongé dans la déprime. Il ne faut pas sous-estimer le problème financier. La souffrance d'une collègue entraîne des problèmes financiers pas ordinaires (médicament non remboursés, prise en charge thérapeutique lourde…)

Autre motif du travail collectif : la charge émotionnelle

La charge émotionnelle est trop forte pour être porter par un seul camarade. Personne ne sort indemne d'une enquête menée tout seul. Le risque d'erreur, de démolir la victime en croyant bien faire, le risque de se démolir par retour est trop important. Il faut partir du principe qu'on ne sait pas faire et les erreurs faites ensemble sont moins lourdes à porter. On récupère et on trouve une solution à l'erreur de façon collective.

Les autres acteurs à rencontrer : médecin du travail, CHSCT, Inspection du travail

Il faut travailler à des stratégies avec d'autres acteurs comme les délégués du personnel (même non-CGT) :
- impliquer le médecin du travail (le rencontrer). Il a plus de pouvoir auprès de l'employeur que le contrôleur du travail dans le cas d'un harcèlement moral ;
- mettre en œuvre le CHSCT quand il existe. Il faut qu'il joue son rôle de prévention ;
- Contacter l'inspection du travail. Le problème : L'inspection du travail, en un an, sur les Bouches du Rhône, n'a dressé qu'un seul procès verbal pour harcèlement moral (tous les anciens salariés partaient de l'entreprise). Le HM est assez immatériel donc il est difficile à constater lors d'une inspection. Il est surtout basé sur des témoignages. Or l'Inspection du travail travaille surtout sur des constats.

Il faut faire attention au dépôt de plainte car il peut être classé par le procureur sans suite ce qui aboutit à l'effondrement de la victime et la perte de la crédibilité du syndicat. Le syndicat ne doit pas se laisser porter par l'enthousiasme ou le besoin urgent de reconnaissance juridique de la victime. Il doit bien réfléchir avant et réfléchir sur les erreurs à éviter.

IV - COMMENT METTRE EN PLACE UNE PROCEDURE AU PRUD'HOMMES OU AU PENAL.

Il faut établir des faits, un faisceau d'éléments. Ces éléments peuvent être constitués par exemple par un refus écrit d'un congé. S'il n'y a pas d'éléments, il n'est pas possible de porter plainte.

Le médiateur : arrondir tous les angles ?

Il n'existe pas encore. Il doit convoquer les parties et il doit faire un rapport pour prescrire des changements qui peuvent aller à l'encontre de ce que souhaite le salarié et la médiation peut tenir à l'écart le syndicat. Le préfet des B.D.R n'a pas encore mis en place de listes de médiateurs.
Avant de demander une médiation, il faut une réflexion collective au sein du syndicat. L'objectif du médiateur c'est d'arrondir tous les angles et pas spécialement de réparer la victime.

Rencontrer qui ?

A quel niveau le syndicat doit demander des comptes ? Qui a le pouvoir ? qui doit-on rencontrer ? Il vaut mieux rencontrer le responsable (que le harceleur) c'est-à-dire l'employeur, le supérieur hiérarchique du harceleur, la direction générale (celui qui a le pouvoir) car il faut l'impliquer, le mettre devant ses responsabilités. Le syndicat doit informer celui qui est responsable car il doit sanctionner ce comportement.
Un directeur ne supporte pas d'être accusé publiquement. Il a donc intérêt à prendre des mesures de prévention pour se couvrir des sanctions pénales.

Le lien entre l'Inspection du travail et le syndicat

L'inspecteur du travail n'entame pas de procédure sans l'accord du salarié ou du syndicat. La plainte reste anonyme lors d'une enquête. Le syndicat va saisir officiellement l'Inspection du travail pour une enquête et mettre un peu d'ordre (surcharge de travail, dysfonctionnements…). Elle va agir avec le syndicat. Il faut rappeler à l'employeur son rôle de garant de la santé mentale et physique du salarié.

Agir collectivement

Il faut agir collectivement à chaque étape avec la ou les victimes (l'avertir, l'informer…). les syndicats ne doivent pas rencontrer un directeur régional par exemple, sans en parler au salarié et sans son accord.
Dans un premier temps, le syndicat rencontre le directeur sans le salarié.
Dans un deuxième temps, après la réunion entre le syndicat et le responsable, il faut faire une réunion avec la victime assistée du syndicat.


Le syndicat n'a pas à remplacer la victime.

Le responsable de la situation doit être mis en face du salarié et doit entendre ce que la victime a à dire et sa souffrance.
Le syndicat est là pour aider le salarié à s'exprimer surtout s'il n'a pas la capacité de préparer son dossier et de parler.
Lorsque la victime réussit à dire tout ce qu'elle a sur le cœur en présence des délégués syndicaux qui la soutiennent, elle est fière d'y être arrivé. Cette réussite participe sa reconstruction.

Deux écueils à éviter : porter plainte trop rapidement, rompre les liens de confiance

Le syndicat doit :
- Convaincre la victime de ne pas mener une action en justice si le syndicat est convaincu qu'elle est trop fragilisée pour mener l'action à son terme. Ce n'est pas la priorité au début.


- Eviter qu'elle agisse seule en justice ou qu'elle cherche à se venger physiquement du harceleur (" lui faire la tête au carré ".)La victime se sent trahie par le monde entier si elle a perdu confiance dans le syndicat qui doit rester vigilant.


- Faire preuve de modestie et de pragmatisme syndical. Il doit éviter tout dogmatisme (ne pas parler de la lutte des classes). Le responsable au plus haut niveau doit être sanctionné mais pas immédiatement car le HM est très difficile à établir.


- Ecouter la victime et agir pour la mettre hors de danger (la priorité n'est donc pas de faire condamner le harceleur) car souvent la victime n'est pas assez forte, l'urgence est de la sauver.


- Agir auprès du responsable pour trouver des solutions aux causes qui ont engendré la situation. Des mesures organisationnelles par exemple.

Les solutions pour la victime

- La mutation
- Le deuil du contrat de travail :
· Arrêt maladie et lettre dénonçant la rupture du contrat de travail
· Démission au tort de l'employeur
· Inaptitude à tout poste dans l'entreprise

La mutation

Le syndicat doit demander au salarié ce qu'il veut

" qu'est-ce que tu veux ? "

Si la victime répond :

" je ne veux plus aller dans ce service ni dans cette direction, je souhaite être muté ".

Le syndicat va prendre en compte son choix. Il va rencontrer la direction pour savoir si la mutation est possible. Le directeur régional ou le supérieur doit être convaincu que c'est dans son intérêt de résoudre ce problème. Il doit accepter la mutation. Mais le travail n'est pas fini pour autant. Quand la victime sera reconstruite, si elle le souhaite toujours, le syndicat ira au Pénal.
Le salarié doit sauver sa santé et faire le deuil de son contrat de travail dans les petites structures où la mutation n'est pas possible et où la victime va se retrouver de toute façon face à face au harceleur (PME avec un ou deux salariés et le harceleur).

La rupture du contrat de travail

Il faut demander la rupture du contrat de travail au tort de l'employeur devant les Prud'hommes (le Civil).

Le salarié doit écrire une lettre dans laquelle il explique tout ce qu'il subit, et conclue en estimant qu'il n'a pas les moyens de travailler et que c'est donc une rupture du contrat de travail. Il doit écrire qu'il va s'en aller mais qu'il va attaquer aux prud'hommes. La personne doit déjà être en arrêt maladie puisqu'elle ne percevra plus son salaire ni ne pourra percevoir d'indemnité de la part de l'Assedic puisqu'elle ne sera pas non plus au chômage.

La démission ou résiliation judiciaire du contrat de travail

Attention, lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire du contrat de travail en démissionnant puis en attaquant, dans les faits, souvent le juge départiteur d'Aix en Provence déboute les salariés.

L'inaptitude

Le médecin de travail peut déclarer le salarié inapte à tout poste dans l'entreprise. Dans ce cas-là l'employeur est obligé de licencier le salarié en lui versant les indemnités légales de licenciements.

Ce sont les conditions de travail qui ont rendu le salarié inapte à travailler et dans ce cas-là, il peut être pris en charge par les Assedic. Le rôle du médecin de travail est de résoudre les causes, pas de déclarer l'inaptitude. Si le médecin déclare l'inaptitude, le salarié peut attaquer son employeur aux Prud'hommes ou au Pénal.

Les Prud'hommes ou le Pénal ?

On ne peut pas attaquer en même temps au Civil (Conseil des Prud'hommes) et au Pénal (Tribunal correctionnel) car il faudra attendre le jugement définitif du Pénal avant celui du Civil.
Tactiquement, il vaut mieux aller porter l'affaire d'abord devant les Prud'hommes puis après devant le Pénal.
Il faut faire attention à la plainte pour diffamation ou plainte abusive.
Il vaut mieux que ce soit le syndicat qui porte plainte auprès du procureur de la république. Le parquet hésite à classer l'affaire sans suite quand c'est le syndicat qui se porte partie civile.

La prévention

L'objectif n° 1 du syndicat reste de la faire de la prévention. Le syndicat doit autant se battre contre une machine non protégée que contre un cas de HM et les conditions de travail. Il faut faire en sorte que la victime ne rentre pas dans un processus de culpabilisation et lui expliquer que ce n'est pas sa personne qui est en cause mais l'organisation et les conditions de travail.
Si un employeur est condamné mais qu'il n'y a pas de rapport de force, il n'appliquera pas la décision judiciaire.

Le respect de la confidentialité

La confidentialité doit être respectée, pas de campagne syndicale autour. C'est à la victime de parler. Il faut protéger la victime.

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