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le témoignage d'une famille d'une victime de HM qui s'est suicidée : Francis V. Nous avons malheureusement aussi traversé une période difficile suite à un drame qui aurait pu être évité si certaines personnes aptes à réagir n'avaient pas attendu le moment fatidique pour le faire. Il s'agit de mon père défunt, ouvrier et âgé de 49 ans au moment des faits ; qui fut victime d'un accident de travail grave six ans plus tôt. Les médecins du travail ainsi que l'assurance de l'usine et le Tribunal du Travail s'étaient mis d'accord pour ne pas reconnaître les liens entre les douleurs dont il se plaignait au niveau du dos et l'accident survenu sur la chaîne de montage. En plus de la souffrance physique et venu s'ajouter la souffrance psychique. Meurtri par la douleur, il représentait un lourd fardeau sur l'organisation du travail de toute l'équipe. Accident, douleurs, traitement médical lourd de conséquences, brimades, heurts, sentiment grandissant d'injustice, incompréhension, d'isolement total; repli sur soi-même, dépression... Peu de temps après la décision du Tribunal du Travail, il s'est un jour rendu à l'usine sans enfiler son bleu de travail pour aller trouver ses chefs sur son poste de travail. La chaîne avait déjà repris son rythme normal. Ses collègues se moquaient de lui en l'appelant le touriste en le voyant passer près d'eux : il voyageait avec un petit sac en plastique à la main. Il demanda plusieurs fois à son chef de venir avant de lui demander ce qu'il lui dirait s'il se tirait une balle dans la tête. Un de ses chefs lui a alors répondu que ce serait un con. Il a sorti une arme à feu de son sac et s'est ainsi tiré une balle dans la tête devant une vingtaine de personnes. Quelques responsables de l'usine avertis du drame sont descendus sur place. La police judiciaire a mené son enquête et dans les deux heures qui suivaient, la chaîne reprenait un rythme normal. Le lieu du drame avait été nettoyé, le bureau du chef déplacé et le lendemain : on n'en parlait plus. L'incident était clos. Pas une seule personne n'a cherché à comprendre ce qu'il venait de se produire ou personne ne cherchait vraiment à connaître la vérité, l'hypothèse de Christophe Dejours. Le drame fut relaté dans la rubrique fait divers d'un quotidien national, le jour suivant, dans un article contesté par la famille de la victime. D'autres journalistes se sont ainsi intéressés à l'histoire singulière de cet homme en découvrant un second article publié dans le même quotidien plus précis sur les causes probables du drame. Un documentaire d'une heure diffusé 6 mois plus tard après les faits leva le voile sur un fait divers qui n'en n'était pas un. Nous étions en 1999. A cette époque, le phénomène du harcèlement au travail semblait être un fait encore peu connu de l'opinion. Depuis, les choses ont changé. Les médias en parlent. Le documentaire fut maintes fois rediffusés sur la RTBF, ARTE et TV5 avant de rejoindre les salles obscures dans le cadre de rencontres internationales du documentaire. Mais le plus important n'était pas tant le nombre de projections du document en lui-même mais les débats et les échanges suscités par sa diffusion. Nous avons longtemps hésité à nous exposer publiquement et à divulguer notre histoire face à l'objectif de la caméra mais nous constatons avec le recul que ce témoignage a aussi répondu à une certaine attente des victimes actuelles qui ont encore le sentiment aujourd'hui d'être incompris ou trop peu considérés dans leur souffrance. Comme l'explique Christophe Dejours dans le documentaire, il n'y a à rien de plus banal que d'être victime d'une injustice mais il y a par contre rien de plus grave que d'être victime d'une injustice et de ne pas être reconnu en tant que tel par ses propres pairs. C'est la raison pour laquelle nous avons également souhaité apporter notre soutien dans ce témoignage rendu public. Ch. V. Note de la Webmaster : juin 2011 J'ai accédé à la requête du fils de la victime et j'ai caché son nom et son prénom afin de lui faciliter sa recherche d'emploi. http://membres.lycos.fr/nicesunchaser/index.html http://www.ptb.be/solidaire/article.phtml?lang=1&obid=4641 http://www.humanite.presse.fr/journal/2002/2002-05/2002-05-03/2002-05-03-047.html |