Les sectes
(ou propos sectaires)
2 avril 2005
Je n'ai pas pour ambition de vous donner une liste des sectes
ni de donner une définition ou quoi que ce soit. Je vous
mettrai des liens si j’en trouve vers ce genre de sites.
Je veux juste pour faire part de mon expérience
éprouvante et de mes impressions
qui comme toutes impressions sont subjectives. Je ne
prétends pas détenir la vérité
sinon je serais, moi aussi, tout aussi sectaire.
J'ai parlé à un collègue pendant l’heure
du café, jeudi 31 mars, de l'attitude de mon fils, à
l'aube de ses 18 ans. Je m'inquiète parce que depuis
3 ans, il passe des heures devant son ordinateur à communiquer
ou à jouer, volets fermés.
Il ne passe pas assez de temps à ses devoirs et ses
résultats scolaires s'en ressentent et il ne sort pas
alors que c'est un beau garçon.
Mon ami, catholique pratiquant, m'a conseillé d'aller
à la Mission Chrétienne Française,
rue Fortia à Marseille. Il pensait qu'il s'agissait de
Protestants
Il m'a donné les heures, où selon lui, il y avait
des miracles. J’étais prête
à tout pour mon fils. Je me suis dit que je ne risquais
rien.
J'ai profité d'une journée de congé pour
m'y rendre le vendredi 1er avril (après avoir fait une
bonne blague à mes collègues !;) à 10h00.
Je pensais arriver en retard de 10 mn et me faire toute petite.
Mais non. La "messe" n'avait pas commencé.
J'ai été très bien accueillie. La salle
était remplie de femmes, très peu d’hommes
en dehors du pasteur. J'ai pensé que c'était normal,
un jour de semaine. J'ai été embrassée
par trois personnes. J’ai aimé leur gentillesse
à mon égard.
Un musicien (Abraham) jouait de l'orgue. Il jouait très
bien et sa douce musique d'ambiance me mettait dans un état
proche de la plénitude. J'ai vraiment
apprécié ce moment-là. Je me sentais bien
comme je ne m'étais pas sentie bien depuis longtemps.
En effet, je venais d'apprendre - ce dont je me doutais depuis
deux mois - que j'avais perdu mon procès
au tribunal administratif contre mon administration, complice
du harcèlement moral que j'ai vécu, et que je
ne pouvais pas faire appel au tribunal administratif d'appel
à cause d’un nouveau décrêt.
Sa musique était comme un baume sur mon chagrin et ma
révolte.
Le pasteur est venu, il portait un beau costume gris clair
avec une cravate. Il s'appelle Bernard mais je ne me souviens
pas de son nom de famille. Il a parlé à ma voisine,
une dame d'un certain âge et j'ai beaucoup aimé
son discours. Il lui a parlé de son amie qui était
malade et qu'au lieu de venir à l'église, elle
devrait aller voir son amie malade, que c'était ça
le message du Christ.
J'aurais applaudi. La dame en question n'a pas bronché,
on sentait qu'elle préférait être là
qu'avec son amie.
J'avais pour ma part, déjà prévu dans
l'après-midi d'aller voir une collègue malade...
coïncidence ?
La "messe" a commencé avec une demi-heure
de retard.
Il a parlé, en langage symbolique. J'ai apprécié
ses explications, j'aimais bien son discours philosophique sur
le fait qu'il fallait qu'on arrête de dire qu'Untel ne
nous aime pas et que ça nous affecte, arrêter de
trouver tout bof, de manquer de zèle....
Il a présenté le pasteur Eugène venu des
Etats-Unis. Eugène a pris sa guitare et s'est mis à
en jouer et à chanter. J'ai aimé sa voix, sa façon
de chanter... c'était enthousiasmant.
Il a voulu lire le psaume 23. Personne n'avait besoin de sa
bible car tout le monde le connaissait par coeur et l'a récité
à haute voix en coeur. J'ai été impressionnée.
Des larmes d'émotion me sont plusieurs fois
monter aux yeux. Je me sentais triste et joyeuse à
la fois, c'était bizarre.
Je ne me rappelle plus à quel moment, les fidèles
ont chanté avec la musique, tapé des mains, dansé.
C'était chouette.
Je n'ai rien fait de tout cela même si les paroles s'affichaient
sur le mur avec un rétro-projecteur, je n'en ressentais
pas le besoin ni l'envie car je ne me sentais pas chez moi.
Je me suis contentée de participer avec mon coeur, souriant
à maintes reprises.
La musique était super, géniale même.
Si on changeait les paroles, ça ferait un tube d'enfer
! Très moderne et très rythmé, joyeuse,
mélodieuse....
Quand Eugène a eu fini, j'ai prié ma voisine
de m'excuser et je suis partie. Elle m'avait dit que ça
finissait à midi et demi et il était déjà
11h30. J'avais du chemin à faire et je devais rentrer
pour faire manger mes enfants.
Malgré cette ambiance d'espoir, j'ai compris que je
ne reviendrais pas pour la raison qui m'avait poussée
à y aller, c'est-à-dire mon fils aîné,
accro à son ordi. Il aurait fallu qu’il vienne
et je savais qu’il refuserait.
En partant, j'ai vu le CD qu'Eugène vendait.
J'ai été surprise par la très belle présentation,
je m'attendais à emballage plus modeste. Je n'ai pas
demandé le prix mais j'avais envie de l'acheter.
J'ai parlé de ce que j'avais vécu à ma
collègue malade (catholique). Je ne sais pas pourquoi
malgré l'enthousiasme et les émotions que j'avais
ressentis, j'étais confuse, un peu énervée.
Je me sentais bizarre. J'aurais dû être enthousiaste,
j'aurais dû être heureuse de cette expérience
toute nouvelle. J'avais envie d'y croire. Mais je n'arrivais
pas à transmettre cette enthousiasme et ma collègue
a décliné mon invitation d’y retourner avec
moi.
***
Mon mari a accepté de m'y emmener à nouveau,
samedi à 18h00. Il voulait venir par curiosité.
Nous sommes arrivés alors qu'il y avait pas mal de monde.
Nous nous sommes mis dans un coin, discrètement.
Je voulais assister à la messe jusqu'au bout, je ne
me rappelais pas qu'il y aurait des prophéties mais j’avais
envie (besoin) d’être guérie de l’arthrose
qui me faisait souffrir depuis 20 ans et plus particulièrement
depuis un an.
Le kiné venait de me décoincer depuis une dizaine
de jours en me manipulant sur toute ma hauteur. Je ne pouvais
plus m'allonger sur le côté gauche tellement le
haut du dos à gauche, me faisait souffrir. Depuis cette
séance, la douleur s'était bien calmée,
je recommençais à pouvoir m'allonger dessus sans
que la douleur me lance.
Malheureusement pour moi, au bout d'une demi-heure, un homme
a cru bon de mettre la climatisation (ventilation) juste au
dessus de moi avec mon épaule gauche en trajectoire directe.
C'est vrai qu'il faisait chaud dans la salle mais ventiler de
l'air froid sur mon épaule gauche, du haut vers le bas...
Au bout d'une heure, j'ai attrapé mon gilet pour le
mettre dessus mais trop tard...
Nous avons été bien accueillis
mon mari et moi, même si personne n'est venu nous embrasser.
Nous étions deux. J'ai retrouvé ma voisine de
la veille, celle qui n'était pas aller voir son amie
malade. Elle était là, fidèle au rendez-vous.
J'en ai retrouvé deux autres, je leur ai chaleureusement
rendu leur sourire. Ça m'a fait plaisir de les revoir.
Je ressentais leur gentillesse et ça fait toujours du
bien.
Pendant l'attente, nous avons regardé les prières
des personnes, écrites sur des bouts de papier et collées
au mur. Il y avait entre autres :
- des prières financières du style "que
mon allocation ... soit le double"...
- des prières de mariage "que je trouve
un mari selon la volonté de Jésus".
J'ai commencé à me sentir mal à l'aise.
Je me suis dit qu'on devait trouver un mari selon son coeur,
pas selon la volonté de Jésus. Comment connaître
la volonté de Jésus et être sûr à
100 % qu'il s'agit bien de la sienne ?
Et si l'Eglise ou un représentant (humain) te dit que
la volonté de Jésus c'est d'épouser Untel
et que tu le crois et que tu épouses un homme que tu
n'aimes pas ? On ne peut pas se forcer à aimer un homme.
On peut juste apprendre à le respecter ou le craindre.
Les remerciements étaient de l'autre côté
de la pièce, sur l'autre mur.
Une dame est venue nous voir, nous demander si nous étions
nouveaux. Je lui ai dit que j'étais venue hier matin
mais que j'avais dû partir. Elle est revenue avec un petit
livret de Lester Sumarll "Pêcheurs d'Hommes"
et d'un magazine. J'ai parcouru le magazine
très facile à lire. Ce n'était
que des témoignages. Je n'ai pas compris pourquoi.
J'ai lu le témoigne d'Abraham, le beau musicien noir
qui jouait si bien de l'orgue. Tout d'abord un gros titre accrocheur
"Jésus m'a guéri".
Je me suis demandée de quoi. Alors j'ai lu son témoignage.
Il jouait tous les dimanches au foot. Jésus
l'a guéri et maintenant tous les dimanches il va à
l'église servir Jésus en jouant du piano !
J'ai trouvé que c'était un peu fort. Cela signifierait
que tous les joueurs de foot du dimanche seraient malades et
auraient tous besoin d'être guéris ?
Personne ne joue au foot dans ma famille ni ne s'intéresse
de manière exagérée au foot. Mais un sport
d'équipe c'est toujours une façon de communiquer
avec d'autres. Il me semble. Je n'y vois ni maladie ni péché.
Je me suis dit que j'avais affaire à des gentils illuminés
mais pourquoi pas.
J'ai interrogé ma voisine - qui ne demandait qu'à
répondre - car je voulais savoir si j'étais bien
chez des protestants comme ça m'avait été
affirmé la veille. J'ai appris que nous étions
chez les Evangélistes. Je connaissais
les Témoins de Jéhovah, les Pentecôtistes
mais pas les Evangélistes.
Mon mari m'a fait remarqué que deux femmes faisaient
des chèques. J'étais incapable
de savoir pourquoi mais je n'ai pas osé demander. Peut-être
achetaient-elles le disque ?
Quand le moment des "offrandes" est venu (la quête),
peu de gens ont donné (à part nous bien sûr
!). Il est possible qu'ils avaient déjà donné
des offrandes puisqu'il y avait 4 jours de réunions.
La "messe" a commencé avec 50 minutes de retard.
On attendait un homme important du Maroc et un autre de Suisse.
Ils ont été placés devant.
Dans le brouhaha, Bernard, Eugène la femme d'Eugène
et la traductrice ont fait un cercle sur l'estrade. Ils ont
parlé une langue à laquelle je n'ai rien compris.
Leur tête était penchée en avant. La salle
a fait silence.
Puis quand ils ont eu fini, les musiciens ont pris place. L'orgue,
la guitariste... la batterie. J'ai adoré leur musique.
Ça donnait vraiment envie de chanter, de taper des mains
et de danser. Nous étions comme à un concert
dans une ambiance de folie, nous baignons dans une
ferveur collective.
Nous étions tous unis dans une même foi, un même
espoir, un même amour.
Des personnes sont venues dès les premières notes
de musique sur la scène, tournés vers l’assemblée,
pour chanter et danser et lever les bras vers le ciel avec ferveur,
souvent en fermant les yeux, certains proches de l'extase.
Mon mari et moi, même pris dans l'ambiance, ne dansions
ni ne chantions. Je ne suis pas habituée au gospel et
le pape était mourrant, j'avais un peu de peine pour
lui.
Nous nous sommes contentés de nous tenir debout pour
ne pas trop dépareiller et risquer de choquer le reste
du groupe.
Je crois que la partie musicale a duré plus d'une demi-heure.
Tout le monde se sentait joyeux. Nous avons assisté à
un concert formidable. Les musiciens étaient excellents.
On pouvait lire les paroles grâce à un rétro-projecteur.
Mais la même strophe revenait souvent.
Un homme, qui me rappelait les gitans de Sainte Marie de la
Mer, s'est levé et s'est mis dans la travée, à
quelques mètres derrière une femme, dans la même
travée qui dansait. Il a levé les bras au ciel.
J'avais remarqué qu'il disait souvent à haute
voix, AMEN, ALLELUIA ou alors un langage incompréhensible
pour moi, du style "chabadadadada..."
Il a commencé à avancer tout en gardant les bras
en l'air. Il s'est approché de la femme. Il lui a fait
comprendre qu'elle devait le laisser passer. Elle s'est écartée.
Il est passé et il est allé s'agenouiller devant
la scène où se tenait les pasteurs Bernard et
Eugène. Il s'est assis sur ses talons et les bras devant
lui, les a inclinés jusqu'à toucher le sol en
signe d'adoration, comme le pape en terre nouvelle.
J'ai regardé mon mari qui ne pouvait le voir. J'étais
sidérée. Les autres avaient l'air de trouver ça
normal donc j'ai pensé qu'il fallait que je trouve son
comportement normal, moi aussi et j'ai cessé de lui prêter
attention.
Bernard a un peu parlé, son discours était comme
la veille ponctué constamment d'Alléluia et d'Amen
quand ce n'était pas un membre du groupe qui disait Alléluia
tout d'un coup.
Il nous a demandé d'acheter le CD d'Eugène, parce
qu'il était en anglais, on pouvait l'écouter chez
soi même en présence de personnes venues de l'extérieur
(au cas où on assumait pas sa croyance), que ça
les ferait baigner dans une atmosphère... je ne me rappelle
pas bien les paroles exactes. Enfin, même si les gens
ne comprenaient pas, ça ne pouvait leur faire que du
bien.
Une femme sur ma droite séparée de moi par la
travée, s'est mise à parler bizarrement. Elle
avait l'air d'avoir beaucoup de peine. Puis elle s'est
mise à sangloter de plus en plus.
Je voulais aller la consoler mais j'avais peur de me faire remarquer.
N'y tenant plus, au bout de plusieurs minutes, peut-être
un quart d'heure, j'ai demandé à ma voisine de
devant si je pouvais faire quelque chose, elle avait
l'air tellement désespérée. Elle
a souri et m'a dit que c'était normal, qu'elle était
en train de se "purifier" (si ma mémoire est
bonne). Je ne devais pas m'inquiéter. Je n'étais
qu'à demi-soulagée. Par la suite, ma voisine de
devant m'a faire remarquer avec justesse, que la personne allait
beaucoup mieux, qu'elle souriait. C'était vrai, elle
avait l'air transformée. J'étais déconcertée.
Je me suis dit qu'effectivement, se mettre à pleurer
ainsi dans la ferveur religieuse, pouvait apporter un grand
soulagement, que ça pouvait nous vider de pensées
négatives ou d’angoisses.
Ne dit-on pas que pleurer (jusqu'à une certaine limite)
permet d'éliminer des toxines du corps (au point de vue
chimique) ?
Bernard a donné des informations capitales.
Il a dit que les Evangélistes étaient devenus
la 2ème religion en France avec 800 000 fidèles
devant les Musulmans qui étaient 200 000.
Puis il a dit qu'ils étaient considérés
comme une secte mais que le ministre de l'intérieur venait
de les déclarer d'intérêt d'ordre
public. J'ai trouvé ça bizarre. Puis
il a dit que la mairie (ou le gouvernement ?) allait leur octroyer
des subventions.
Je me suis demandée, à ce moment-là,
si l'église catholique recevait des subventions. Il me
semblait que non vu l'état des églises, des chaises,
du chauffage... Nous étions si confortablement installés
mon mari et moi sur des larges chaises moelleuses, capitonnées
en velours bleu, rue Fortia !
Je me suis dit que cette information était
à vérifier et que dans un pays laïc il était
quand même étrange qu'on octroie des subventions
(deniers publics) à des groupes religieux...
J'ai commencé à avoir des doutes.
Il a dit qu'ils allaient faire de Marseille
la ville de Jésus.
J'aurais voulu me lever pour protester. La ville
de Jésus ? Marseille ??? Lourdes ou une autre ville,
oui, sans doute, mais Marseille ?
Marseille est la ville de toutes les communautés,
de toutes les races, cultures et surtout de toutes les religions,
Catholiques, Musulmans, Bouddhistes, Juifs, Protestants...Tous
vivent en paix, les uns avec les autres.
Ce qui fait de Marseille sa richesse, c'est
sa tolérance et le respect que chacun a pour l'autre
dans sa différence religieuse ou autre. Cette notion
de tolérance, c'est une notion importante à mes
yeux et je pense qu'aux yeux de Dieu, elle l'est aussi.
Mais proclamer que Marseille allait devenir,
non pas la ville de Dieu, mais la ville de Jésus c'était
exclure toute autre religion que la leur. J'ai trouvé
ce message intolérant voire dangereux.
Ça m'a fait aussi bizarre que d'entendre
un syndicat en critiquer un autre ou l'école freudienne
critique l'école adlérienne (en psychologie) ou
l'inverse mais c'est moins dangereux !
Est-ce à ce moment-là que j'ai
commencé à avoir un esprit plus critique ? J'étais
venue en paix, sans idées préconçues, l'esprit
ouvert. On dit de moi que je suis naïve.
Bernard a parlé de la carte du
monde accroché sur le mur à côté
de nous. Il y avait des points un peu partout, surtout aux Etats-Unis
mais un gros point sur Marseille. Le but consistait, si j'ai
bien compris, à convertir de plus en plus de monde à
l'évangélisme, enfin à leur croyance. Le
but était de conquérir le monde,
la Suisse, Le Maroc... et je me suis imaginée en train
de re-jouer au Trivial Poursuit sauf que je ne rêvais
ni ne jouais.
Ma voisine, de devant, nous a dit qu'ils avaient
prié pour le pape. Mais pendant les 3 heures où
nous sommes restés dans cette mission, aucune parole
pour le pape n'a été publiquement prononcée.
Sur le coup, ça ne m'a pas surprise. C'est uniquement
quand aux informations, ils ont annoncé que tous les
chefs religieux (le Recteur de la mosquée, le grand Rabin...)
lui avaient publiquement rendu hommage que j'ai fait la comparaison
négative.
Je ne me suis rendue compte aussi, qu'après
coup, que personne n'avait parlé de la Vierge Marie.
Mais apparemment chez les protestants, c'est
normal.
Le Pasteur Eugène s'est mis à
parler et la traductrice a traduit. Des passages de l'ancien
testament ont été lus en anglais puis en français.
J'avoue que ça m'a fait du bien d'entendre de l'anglais,
ça m'a remis dans le bain et j'ai même compris
certains passages.
Puis il a parlé de son expérience
dans une église. Il est allé un jour dans une
église (catholique sans doute). Il dit que les gens venaient
isolément et repartaient isolément. Que les gens
ne se parlaient pas entre eux, qu'ils n'avaient pas de «
relationship » (qu'ils ne communiquaient
pas). Ils venaient pour faire leur devoir et repartaient sans
se parler ni communiquer.
Il a dit que dans l'église (évangéliste)
les gens communiquaient (pourtant tout le monde ne faisaient
qu’écouter sans l’interrompre, le long monologue
du pasteur !) qu'ils se sentaient tellement bien qu'il fallait
pousser l'interrupteur et éteindre la lumière
pour que les gens se décident à partir...
Je n'étais pas d'accord. J'ai déjà
ressenti de la gentillesse lors des messes (catholiques) même
si j'avoue y aller assez peu. Chaque fidèle serre la
main chaleureusement avec le sourire et ferveur à tous
ses voisins en lui souhaitant la paix. Il y a déjà
eu un groupe de prières pour moi, une dame très
gentille qui m'a moralement beaucoup aidée à une
époque où j'étais engluée dans le
harcèlement moral au travail et que je commençais
à perdre pied dans mon couple, étant obsédée
par mes angoisses.
Je ne me suis pas sentie le droit, dans ce lieu,
de critiquer la critique d'Eugène à l'égard
de l'église (catholique) mais ça me démangeait.
Pratiquement tous les passages étaient
issus de l'ancien testament et tous parlaient de victoire, de
bataille, de glaive...
Puis il s’est mis à parler, parler
sans s'arrêter pendant une bonne heure. Je n'ai
pas le temps de réfléchir, de méditer,
de prier.
J'essaye de comprendre ce qu'il dit, de voir
où il veut en venir. Je suis très attentive.
Il répète inlassablement
la même chose de manière différente
pour que l'on comprenne bien et que l'on enregistre dans nos
mémoires.
Il parle de Jésus, il parle du passage
de l'évangile où il veut bâtir son église
sur une pierre. Il parle de Simon-Pierre. Il dit que ce qui
est important dans ce passage c'est que Jésus a dit qui
il était, le Christ, le fils de Dieu, et aussi que l'église
s'est bâtie sur la révélation. Il revenait
constamment en arrière pour répéter le
premier élément de ce qu'il voulait démontrer,
quand il en était au 3ème, il revenait au 1er
puis au 2ème...
J'avais l'impression d'être en 6ème,
en classe de mathématiques, avec l'excellente professeur
que j'ai eue et grâce à qui j'avais 18/20 de moyenne.
Elle rabâchait, ré-expliquait. On n'avait pas besoin
de lui dire qu'on n'avait pas compris, elle agissait comme si
on n'avait pas compris. La leçon était apprise
au fur et à mesure, à la maison, on n'avait plus
qu'à réviser et encore !
Là où Eugène voulait en
venir, c'est que l'église, qui était bâtie
sur la révélation, ne pouvait l'être aujourd'hui
que si on l'imitait et qu'on apportait sa parole autour de nous.
Il proclame que Jésus va revenir et qu'il
souhaite qu'il revienne pendant que lui est encore en vie mais
que si Jésus ne revenait pas à temps, après
lui (Eugène) il n'y aurait plus personne (comme prédicateur).
C'était annoncé comme une catastrophe. Il parlait
de plus en plus fort comme s’il s'emportait, comme s’il
était en colère. Il criait.
J'avais l'impression d'être une enfant que sa maman admoneste
parce que j'aurais traversé la rue sans regarder... J'avais
commis une faute, je m'étais mise en danger de
mort. Mais ici, dans cette salle, qu'avaient bien fait
les fidèles comme grave bêtise pour qu'on leur
crie dessus ainsi ?
Rien que pour qu'il arrête de crier, j'avais
presque envie de lui obéir !
Sa voix montait crescendo et ça ne pouvait
qu'impressionner. Les gens écoutaient en silence. Mon
malaise, lui n'a fait qu'accroître. J'aimais la façon
de parler de Bernard, j'avais l'impression qu'il y avait de
la gentillesse dans son discours, qu'il aimait les gens.
J'ai détesté la façon de crier du pasteur
Eugène.
J'ai ressenti de la violence et de
l'agressivité dans son discours aussi bien dans
sa façon de parler aussi fort, que dans le vocabulaire
guerrier choisi (guerre, batailles, victoires, glaive, vaincre
l'ennemi, le démon, Satan).
Ma voisine a essayé d'expliquer à
mon mari qui étaient les démons. J'ai peur de
ne pas avoir bien compris.
Cependant, je la remercie pour sa gentillesse
et sa patience.
Eugène s'est servi d'exemples imagés.
Il a dit que Dieu lui parlait et qu'il transmettait aux hommes
la parole de Dieu.
Je me suis demandée s'il ne se
prenait pas pour le Messie ou s'il voulait
le faire croire de manière indirecte.
Puis il a parlé du rôle des apôtres. Jésus
voulait les apôtres autour de lui, que les apôtres
l'assistent. Eugène a ordonné à Bernard
de l'assister désormais quand il ferait des guérisons,
des miracles. Bernard devrait dorénavant se tenir à
ses côtés. Bernard a humblement acquiescé
en faisant un signe de la tête.
Il a ordonné à tout le monde de
l'imiter comme les apôtres ont imité Jésus.
Je n'ai senti aucune joie, aucun message d'amour
ou de paix dans son discours qui était avant tout, me
semble-t-il, un message de conquête.
A un moment donné, il demande : "où
sont les enfants ?"
. Il devait y avoir 5 ou 6 enfants ou ados dans
la salle. Il a dit que les enfants ne le dérangeaient
pas et que nous devions lui amener les enfants dans l'église.
Il s'est mis à poser des questions aux
fidèles de manière dirigée et la réponse
ne pouvait être que la leçon apprise précédemment
à savoir : « nous sommes très inquiets parce
que si Jésus ne revient pas rapidement, après
Eugène, il n'y a plus personne. Par conséquent,
il fallait absolument trouver des remplaçants à
Eugène, des apôtres ? »
Ils demandent aux gens s'ils ont un père.
Je pense à mon père génétique. Ils
demandent plusieurs fois aux fidèles si chacun a un père.
Personne ne répond. Personne n'ose l'interrompre.
"Avez-vous un père ?"
Les gens m'ont l'air inquiets. On a l'impression
qu'il prédit une catastrophe s'il ne trouve pas de volontaires
pour le remplacer ou l’assister. Il parle de Jésus,
des apôtres, de l'esprit Saint qu'ils ont reçu
et qui leur a permis d'accomplir les mêmes miracles que
Jésus (après sa mort).
Il prend l'exemple d'un Américain, je
me souviens pas de son prénom. Appelons-le Paul.
Paul voulait suivre Eugène en Colombie
pour porter ses bagages. Eugène a accepté en riant.
Mais il lui a demandé d'être à ses côtés
pendant les guérisons. Au bout d'un certain temps, les
Colombiens ont voulu Paul, considéré comme le
fils spirituel d'Eugène, en tant que leur père
parce que Paul était désormais capable d'imiter
Eugène, de donner la parole de Dieu et de guérir.
Eugène devait repartir. Paul est donc resté en
Colombie devenant pasteur (père spirituel des Colombiens).
LES PROPHETIES
Eugène s'est adressé au Marocain
et a commencé ses prophéties.
Je suis bien incapable de répéter
mots pour mots toutes les prophéties. Je ne peux vous
donner que mes impressions. En gros, il a prévu pour
chaque personne ou couple, la même chose mais dit de manière
différente.
Chacun avait eu sa part de malheurs,
de problèmes, mais désormais, tout allait aller
mieux.
Le Marocain était vivement impressionné
et très ému. Le Suisse a côté de
lui (jeune, grand, maigre, bien habillé, pantalons noirs,
veste noire, chemise blanche, cravate, chaussures noires) tremblait
(tapait ou balançait) volontairement (mais inconsciemment)
à plusieurs reprises, de la jambe gauche, signe sans
doute d'une instabilité émotionnelle, à
mon avis, comme un tic nerveux.
Grâce à l'intervention d'Eugène
qui donnait ses prophéties et la parole de Dieu le Marocain
en avait fini avec les malheurs. Dieu (ou Jésus ?) allait
solidifier ses bases. Il lui prédit avec une grande conviction
qu'il va devenir pasteur comme lui-même. Le Marocain avait
l'air de ne demander qu'à le croire. Eugène fait
la même chose avec le Suisse qui va lui aussi devenir
pasteur.
Puis Eugène choisit un couple de Marocains.
Je me fais toute petite avec mon mari. Mohamed pleure
d'émotion, Fathia écoute. Elle a l'air
d'être là pour soutenir son mari dans sa future
mission.
Eugène avait dit qu'une femme pouvait
être un "père". Il s'agissait d'être
un père spirituel. Donc une femme pouvait devenir un
père. Pourtant, il me semble dans mes souvenirs, qu'Eugène
n'a choisi que des hommes pour être des pères ou
pasteurs.
Eugène parle à un autre couple,
il voit qu'ils ont eu des malheurs eux aussi mais que c'est
fini et que l'homme va devenir un père (pasteur).
Il s'approche de nous. Le moment,
que je redoutais un peu, arrive. Il ne peut pas nous prédire
qu'on va devenir pasteur !
Eugène a bien vu que, même si j'étais
attentive, le regardant plusieurs fois dans les yeux, je ne
participais pas au chant, au danse, ni moi ni mon mari.
Nous étions à l'écart par
notre attitude.
Il a pris la main de mon mari, puis la mienne.
Je ne portais pas d'alliance (j'ai trop grossi à cause
de l'arthrose). Il a demandé si nous étions mariés,
j'ai répondu par l'affirmative.
Il déclare que Dieu lui parle pour qu’il
transmette son message mais qu’il ne sait pas ce que cela
signifie, il se contente de transmettre le message que Dieu
lui donne pour nous.
Il a vu chez mon mari qu'on lui avait volé quelque chose
(par rapport à notre couple apparemment), que ce qu'on
lui avait volé, Dieu allait le lui rendre.
Ouf, il n'a pas prédit que Maurice allait
devenir pasteur : (il aurait été déçu.)
Mohammed s'est mis à tousser
et Eugène a dit que c'était le démon
qu'il expulsait.
Il a prédit la même chose pour
les uns ou les autres, certains allaient devenir pasteur ou
pas, mais tous avaient eu des malheurs et maintenant c'était
fini.
LES MIRACLES
Puis les gens, qui voulaient être guéris,
sont montés sur l'estrade. J'ai suivi. Je n'avais rien
à perdre. J'étais bourrée de médicaments
pour l'arthrose, de séances de kiné...
Il a posé les mains sur le front d'une
jeune femme, qui est tombée par terre.
J'étais choquée. Ils l'ont allongée de
tout son long. Ses membres tremblaient. J'étais très
impressionnée mais apparemment j'étais la seule.
Les gens se contenteaient de l'enjamber. Une autre femme est
tombée aussi. Une autre a dit qu'elle avait des vertiges.
Eugène l'a faite asseoir sur une chaise.
Il a fait constater qu'elle avait une jambe plus courte
que l'autre.
J'avais beau écarquillé les yeux,
je ne voyais pas de différence. J'ai moi-même une
jambe plus courte que l'autre d'un demi centimètre à
cause de la bascule de mon bassin (que le kiné m'a remis
en place). Tout le monde voyait la différence. J'étais
tout près mais de face. Eugène a pris la jambe
et en 5 secondes, la jambe avait repoussé pour être
au même niveau que l'autre !
Les gens disaient que oui, elle était au même niveau
que l'autre. Il avait chassé le démon. Quand je
pense aux exorcismes rarement pratiqués par les prêtes
catholiques mais qui leur prennet des heures voires des jours...
Eugène en qq secondes avait réussi à chasser
le démon !
Si la jambe avait eu 10 cm de moins et au final
la même longueur j’aurais bien été
obligée d’y croire…J'ai rien vu.
Mari m'affirme, par la suite, que la personne
est revenue à sa place avec un léger déhanchement.
Mais je me suis dit que ce n'était pas
parce que je n'avais rien vu qu'il n'y avait rien eu mais
je devenais de plus en plus sceptique. J'étais
à nouveau en retrait. A ce moment-là, un homme
m'a poussé doucement mais fermement vers Eugène.
Je pensais passer en dernier, ce qui me semblait logique, ne
serait-ce que par respect pour les personnes qui venaient régulièrement.
Il y avait une vingtaine de personnes. Le quart
de la salle sans doute.
Eugène m'a demandé ce que j'avais.
J'ai dit que je souffrais d'arthrose depuis 20 ans. Il a posé
sa main sur mon front. Un homme a mis ses mains à plat
sur mes épaules derrière (sans doute pour éviter
que je tombe). J'étais surprise mais c'était sympa
de sa part. Eugène a appuyé si fermement
sa main que je ne pouvais que tomber à la renverse
si je m'étais laissée aller. J'ai résisté
physiquement (pas psychiquement) pour ne pas tomber sur le gars
derrière moi.
Je me suis sentie toute bizarre. Je suis revenue
à ma place, j'avais un peu le vertige. 5 mn après
nous nous sommes excusés auprès de nos voisines
de devant. Nous n'avions aucun moyen de prévenir nos
enfant de notre retard. Il était 21h15 !
En sortant, le vent était violent et
glacial. J'avais tellement froid qu'il me tardait d'arriver
chez moi. Et j’avais très mal à mon épaule
gauche. Je n’étais pas guérie !
J'ai enfin pu réfléchir.
Après coup, j'ai fini par avoir l'intime conviction qu'il
n'avait pas cherché à me guérir mais (même
si ça semble aberrant) qu'il avait cherché
à prendre possession de mon esprit comme si
je devais lui appartenir ou du moins mes pensées, mes
convictions.
Alors je ne vais pas affirmer ici que j'ai eu
affaire à une secte mais je pense que les propos
- que l'on m'a assenées toute la soirée - étaient
sectaires.
En dehors de leur église, point de salut. Leur but ne
serait pas de donner de l'amour mais de gagner des victoires
sur les autres religions, conquérir Marseille, puis la
France puis le monde au nom de Jésus.
Je les trouve dangereux dans
la mesure où les gens, qui vont à ce genre de
réunions, croient tous qu'ils vont assister à
des miracles. Ils ont tous eu des malheurs ou des problèmes
dans leur vie (qui n'en a pas eus ?) et ils sont déjà
fragilisés parce qu'ils n'ont pas su les surmonter.
Ils ont besoin de retrouver une famille chaleureuse pour les
accueillir, ils ont besoin de croire qu'il va y avoir des miracles
pour eux. Ce serait rassurant de savoir que si on allait si
mal, c'est parce que le démon était en nous et
que maintenant on allait aller mieux toujours parce que le pasteur
avait chassé le démon.
Sans la promesse d'un miracle, qui irait
dans ces réunions ?
Moi-même je n'y serais pas allée.
Lorsqu'ils sont convaincus du discours qui leur
est tenu, ils reviennent encore et encore jusqu'à
devenir accro, dépendants, jusqu'à en
oublier les amis malades, le foot, jusqu'à ce que «
le pasteur éteigne la lumière ».
J'ai vu des femmes qui étaient là,
la veille et qui étaient là à nouveau le
samedi soir et qui se sont données rendez-vous pour le
lendemain, dimanche !
J'ai eu du mal à ne plus être dépendante
du Lexomil, j'ai mis 3 mois pour pouvoir m'en passer, au bout
de 5 ans de prises régulières, je n'allais pas
retomber dans une dépendante psychique !
« Grâce » au harcèlement
moral au travail et à tout ce que j'ai vu, entendu sur
le sujet, grâce à mon expérience (douloureuse
certes) je peux maintenant discerner ce qui est du domaine de
la manipulation (et ce qui n’en est pas). J'ai été
manipulée pendant le HMT et il m’a fallu des mois
et l’intervention de personnes extérieures pour
que je puisse m’en rendre compte .
Les victimes de HMT sont manipulées et
ne trouvent plus de sens à leur histoire. C'est cette
absence de sens, cette culpabilité confuse qui les rend
« fous » (fragiles, dépressives, en décompensation
psychique jusqu’au suicide).
En apprenant à discerner la manipulation,
la perversité, j'ai pu garder mon esprit critique lors
de cette réunion (et aussi grâce à la présence
de mon mari dès le départ sceptique).
La notion de LIBRE ARBITRE
(si cher à Dieu, il me semble, sinon il aurait créé
des marionnettes) n'avait pas sa place dans les discours que
j'ai entendus. Je pourrais presque résumer ainsi : le
pasteur ordonnait, les brebis obéissaient !
Ai-je eu affaire à de la manipulation
collective ? Me suis-je sentie manipulée ?
Oui, je me suis sentie manipulée
et je ne m'en suis pas rendue compte aussitôt.
Cette expérience m'a beaucoup ébranlée
dans la mesure où elle m'a fait revivre confusément
toute la souffrance que j'ai pu vivre lors de mon harcèlement
moral. Elle m'a fait souffrir.
Je n'irais plus dans cette "église".
Je ne prétend pas connaître la parole de Dieu mais
le message de Jésus, il me semble que c'était
un message d'amour, de compassion, de tolérance. Je continuerai
- même si j’ai peu de temps - de pratiquer ma religion
mais surtout d'aider les autres, en les écoutant, en
écoutant leur souffrance, en les conseillant du mieux
que je peux selon leur possibilité, leur personnalité
(inutile de donner un conseil que la victime sera incapable
d'appliquer), en les soutenant moralement. Je continuerai à
aller voir mes collègues ou amies malades, à parler
à mes voisins...
C'est peut-être ça le message de
Jésus finalement !
Dans la nuit qui a suivi, à l'aube du
3 avril, j'ai rêvé que mon fils aîné
- qui allait fêter ses 18 ans (accro à Internet)
- était mort et que je pouvais communiquer avec son fantôme,
le prendre dans mes bras (ce que je ne peux pas faire car
il est très pudique), l'embrasser.
Je le montrais aux membres évangélistes
mais eux ne le voyaient pas et j’ai compris qu’il
était mort et que c’était un fantôme,
ce qui n’avait pas l’air de me déranger puisque
je pouvais toujours lui parler, l’embrasser…
Lorsque je me suis réveillée,
j'étais très mal. Mais j'ai compris qu'il était
temps pour moi de prendre mon fils dans mes bras, de le serrer
et de l'embrasser, ce que j'ai fait dans l'après-midi
!
