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Les sectes
(ou propos sectaires)

2 avril 2005

Je n'ai pas pour ambition de vous donner une liste des sectes ni de donner une définition ou quoi que ce soit. Je vous mettrai des liens si j’en trouve vers ce genre de sites.

Je veux juste pour faire part de mon expérience éprouvante et de mes impressions qui comme toutes impressions sont subjectives. Je ne prétends pas détenir la vérité sinon je serais, moi aussi, tout aussi sectaire.

J'ai parlé à un collègue pendant l’heure du café, jeudi 31 mars, de l'attitude de mon fils, à l'aube de ses 18 ans. Je m'inquiète parce que depuis 3 ans, il passe des heures devant son ordinateur à communiquer ou à jouer, volets fermés.

Il ne passe pas assez de temps à ses devoirs et ses résultats scolaires s'en ressentent et il ne sort pas alors que c'est un beau garçon.

Mon ami, catholique pratiquant, m'a conseillé d'aller à la Mission Chrétienne Française, rue Fortia à Marseille. Il pensait qu'il s'agissait de Protestants

Il m'a donné les heures, où selon lui, il y avait des miracles. J’étais prête à tout pour mon fils. Je me suis dit que je ne risquais rien.

J'ai profité d'une journée de congé pour m'y rendre le vendredi 1er avril (après avoir fait une bonne blague à mes collègues !;) à 10h00.

Je pensais arriver en retard de 10 mn et me faire toute petite. Mais non. La "messe" n'avait pas commencé.

J'ai été très bien accueillie. La salle était remplie de femmes, très peu d’hommes en dehors du pasteur. J'ai pensé que c'était normal, un jour de semaine. J'ai été embrassée par trois personnes. J’ai aimé leur gentillesse à mon égard.

Un musicien (Abraham) jouait de l'orgue. Il jouait très bien et sa douce musique d'ambiance me mettait dans un état proche de la plénitude. J'ai vraiment apprécié ce moment-là. Je me sentais bien comme je ne m'étais pas sentie bien depuis longtemps. En effet, je venais d'apprendre - ce dont je me doutais depuis deux mois - que j'avais perdu mon procès au tribunal administratif contre mon administration, complice du harcèlement moral que j'ai vécu, et que je ne pouvais pas faire appel au tribunal administratif d'appel à cause d’un nouveau décrêt.

Sa musique était comme un baume sur mon chagrin et ma révolte.

Le pasteur est venu, il portait un beau costume gris clair avec une cravate. Il s'appelle Bernard mais je ne me souviens pas de son nom de famille. Il a parlé à ma voisine, une dame d'un certain âge et j'ai beaucoup aimé son discours. Il lui a parlé de son amie qui était malade et qu'au lieu de venir à l'église, elle devrait aller voir son amie malade, que c'était ça le message du Christ.

J'aurais applaudi. La dame en question n'a pas bronché, on sentait qu'elle préférait être là qu'avec son amie.

J'avais pour ma part, déjà prévu dans l'après-midi d'aller voir une collègue malade... coïncidence ?

La "messe" a commencé avec une demi-heure de retard.

Il a parlé, en langage symbolique. J'ai apprécié ses explications, j'aimais bien son discours philosophique sur le fait qu'il fallait qu'on arrête de dire qu'Untel ne nous aime pas et que ça nous affecte, arrêter de trouver tout bof, de manquer de zèle....

Il a présenté le pasteur Eugène venu des Etats-Unis. Eugène a pris sa guitare et s'est mis à en jouer et à chanter. J'ai aimé sa voix, sa façon de chanter... c'était enthousiasmant.

Il a voulu lire le psaume 23. Personne n'avait besoin de sa bible car tout le monde le connaissait par coeur et l'a récité à haute voix en coeur. J'ai été impressionnée.

Des larmes d'émotion me sont plusieurs fois monter aux yeux. Je me sentais triste et joyeuse à la fois, c'était bizarre.

Je ne me rappelle plus à quel moment, les fidèles ont chanté avec la musique, tapé des mains, dansé. C'était chouette.

Je n'ai rien fait de tout cela même si les paroles s'affichaient sur le mur avec un rétro-projecteur, je n'en ressentais pas le besoin ni l'envie car je ne me sentais pas chez moi. Je me suis contentée de participer avec mon coeur, souriant à maintes reprises.

La musique était super, géniale même.

Si on changeait les paroles, ça ferait un tube d'enfer ! Très moderne et très rythmé, joyeuse, mélodieuse....

Quand Eugène a eu fini, j'ai prié ma voisine de m'excuser et je suis partie. Elle m'avait dit que ça finissait à midi et demi et il était déjà 11h30. J'avais du chemin à faire et je devais rentrer pour faire manger mes enfants.

Malgré cette ambiance d'espoir, j'ai compris que je ne reviendrais pas pour la raison qui m'avait poussée à y aller, c'est-à-dire mon fils aîné, accro à son ordi. Il aurait fallu qu’il vienne et je savais qu’il refuserait.

En partant, j'ai vu le CD qu'Eugène vendait. J'ai été surprise par la très belle présentation, je m'attendais à emballage plus modeste. Je n'ai pas demandé le prix mais j'avais envie de l'acheter.

J'ai parlé de ce que j'avais vécu à ma collègue malade (catholique). Je ne sais pas pourquoi malgré l'enthousiasme et les émotions que j'avais ressentis, j'étais confuse, un peu énervée. Je me sentais bizarre. J'aurais dû être enthousiaste, j'aurais dû être heureuse de cette expérience toute nouvelle. J'avais envie d'y croire. Mais je n'arrivais pas à transmettre cette enthousiasme et ma collègue a décliné mon invitation d’y retourner avec moi.

***

Mon mari a accepté de m'y emmener à nouveau, samedi à 18h00. Il voulait venir par curiosité.

Nous sommes arrivés alors qu'il y avait pas mal de monde. Nous nous sommes mis dans un coin, discrètement.

Je voulais assister à la messe jusqu'au bout, je ne me rappelais pas qu'il y aurait des prophéties mais j’avais envie (besoin) d’être guérie de l’arthrose qui me faisait souffrir depuis 20 ans et plus particulièrement depuis un an.

Le kiné venait de me décoincer depuis une dizaine de jours en me manipulant sur toute ma hauteur. Je ne pouvais plus m'allonger sur le côté gauche tellement le haut du dos à gauche, me faisait souffrir. Depuis cette séance, la douleur s'était bien calmée, je recommençais à pouvoir m'allonger dessus sans que la douleur me lance.

Malheureusement pour moi, au bout d'une demi-heure, un homme a cru bon de mettre la climatisation (ventilation) juste au dessus de moi avec mon épaule gauche en trajectoire directe. C'est vrai qu'il faisait chaud dans la salle mais ventiler de l'air froid sur mon épaule gauche, du haut vers le bas...

Au bout d'une heure, j'ai attrapé mon gilet pour le mettre dessus mais trop tard...

Nous avons été bien accueillis mon mari et moi, même si personne n'est venu nous embrasser. Nous étions deux. J'ai retrouvé ma voisine de la veille, celle qui n'était pas aller voir son amie malade. Elle était là, fidèle au rendez-vous. J'en ai retrouvé deux autres, je leur ai chaleureusement rendu leur sourire. Ça m'a fait plaisir de les revoir. Je ressentais leur gentillesse et ça fait toujours du bien.

Pendant l'attente, nous avons regardé les prières des personnes, écrites sur des bouts de papier et collées au mur. Il y avait entre autres :

- des prières financières du style "que mon allocation ... soit le double"...

- des prières de mariage "que je trouve un mari selon la volonté de Jésus".

J'ai commencé à me sentir mal à l'aise. Je me suis dit qu'on devait trouver un mari selon son coeur, pas selon la volonté de Jésus. Comment connaître la volonté de Jésus et être sûr à 100 % qu'il s'agit bien de la sienne ?

Et si l'Eglise ou un représentant (humain) te dit que la volonté de Jésus c'est d'épouser Untel et que tu le crois et que tu épouses un homme que tu n'aimes pas ? On ne peut pas se forcer à aimer un homme. On peut juste apprendre à le respecter ou le craindre.

Les remerciements étaient de l'autre côté de la pièce, sur l'autre mur.

Une dame est venue nous voir, nous demander si nous étions nouveaux. Je lui ai dit que j'étais venue hier matin mais que j'avais dû partir. Elle est revenue avec un petit livret de Lester Sumarll "Pêcheurs d'Hommes" et d'un magazine. J'ai parcouru le magazine très facile à lire. Ce n'était que des témoignages. Je n'ai pas compris pourquoi.

J'ai lu le témoigne d'Abraham, le beau musicien noir qui jouait si bien de l'orgue. Tout d'abord un gros titre accrocheur

"Jésus m'a guéri".

Je me suis demandée de quoi. Alors j'ai lu son témoignage. Il jouait tous les dimanches au foot. Jésus l'a guéri et maintenant tous les dimanches il va à l'église servir Jésus en jouant du piano !

J'ai trouvé que c'était un peu fort. Cela signifierait que tous les joueurs de foot du dimanche seraient malades et auraient tous besoin d'être guéris ?

Personne ne joue au foot dans ma famille ni ne s'intéresse de manière exagérée au foot. Mais un sport d'équipe c'est toujours une façon de communiquer avec d'autres. Il me semble. Je n'y vois ni maladie ni péché.

Je me suis dit que j'avais affaire à des gentils illuminés mais pourquoi pas.

J'ai interrogé ma voisine - qui ne demandait qu'à répondre - car je voulais savoir si j'étais bien chez des protestants comme ça m'avait été affirmé la veille. J'ai appris que nous étions chez les Evangélistes. Je connaissais les Témoins de Jéhovah, les Pentecôtistes mais pas les Evangélistes.

Mon mari m'a fait remarqué que deux femmes faisaient des chèques. J'étais incapable de savoir pourquoi mais je n'ai pas osé demander. Peut-être achetaient-elles le disque ?

Quand le moment des "offrandes" est venu (la quête), peu de gens ont donné (à part nous bien sûr !). Il est possible qu'ils avaient déjà donné des offrandes puisqu'il y avait 4 jours de réunions.

La "messe" a commencé avec 50 minutes de retard. On attendait un homme important du Maroc et un autre de Suisse. Ils ont été placés devant.

Dans le brouhaha, Bernard, Eugène la femme d'Eugène et la traductrice ont fait un cercle sur l'estrade. Ils ont parlé une langue à laquelle je n'ai rien compris. Leur tête était penchée en avant. La salle a fait silence.

Puis quand ils ont eu fini, les musiciens ont pris place. L'orgue, la guitariste... la batterie. J'ai adoré leur musique. Ça donnait vraiment envie de chanter, de taper des mains et de danser. Nous étions comme à un concert dans une ambiance de folie, nous baignons dans une ferveur collective.

Nous étions tous unis dans une même foi, un même espoir, un même amour.

Des personnes sont venues dès les premières notes de musique sur la scène, tournés vers l’assemblée, pour chanter et danser et lever les bras vers le ciel avec ferveur, souvent en fermant les yeux, certains proches de l'extase.

Mon mari et moi, même pris dans l'ambiance, ne dansions ni ne chantions. Je ne suis pas habituée au gospel et le pape était mourrant, j'avais un peu de peine pour lui.

Nous nous sommes contentés de nous tenir debout pour ne pas trop dépareiller et risquer de choquer le reste du groupe.

Je crois que la partie musicale a duré plus d'une demi-heure. Tout le monde se sentait joyeux. Nous avons assisté à un concert formidable. Les musiciens étaient excellents. On pouvait lire les paroles grâce à un rétro-projecteur. Mais la même strophe revenait souvent.

Un homme, qui me rappelait les gitans de Sainte Marie de la Mer, s'est levé et s'est mis dans la travée, à quelques mètres derrière une femme, dans la même travée qui dansait. Il a levé les bras au ciel. J'avais remarqué qu'il disait souvent à haute voix, AMEN, ALLELUIA ou alors un langage incompréhensible pour moi, du style "chabadadadada..."

Il a commencé à avancer tout en gardant les bras en l'air. Il s'est approché de la femme. Il lui a fait comprendre qu'elle devait le laisser passer. Elle s'est écartée. Il est passé et il est allé s'agenouiller devant la scène où se tenait les pasteurs Bernard et Eugène. Il s'est assis sur ses talons et les bras devant lui, les a inclinés jusqu'à toucher le sol en signe d'adoration, comme le pape en terre nouvelle.

J'ai regardé mon mari qui ne pouvait le voir. J'étais sidérée. Les autres avaient l'air de trouver ça normal donc j'ai pensé qu'il fallait que je trouve son comportement normal, moi aussi et j'ai cessé de lui prêter attention.

Bernard a un peu parlé, son discours était comme la veille ponctué constamment d'Alléluia et d'Amen quand ce n'était pas un membre du groupe qui disait Alléluia tout d'un coup.

Il nous a demandé d'acheter le CD d'Eugène, parce qu'il était en anglais, on pouvait l'écouter chez soi même en présence de personnes venues de l'extérieur (au cas où on assumait pas sa croyance), que ça les ferait baigner dans une atmosphère... je ne me rappelle pas bien les paroles exactes. Enfin, même si les gens ne comprenaient pas, ça ne pouvait leur faire que du bien.

Une femme sur ma droite séparée de moi par la travée, s'est mise à parler bizarrement. Elle avait l'air d'avoir beaucoup de peine. Puis elle s'est mise à sangloter de plus en plus.
Je voulais aller la consoler mais j'avais peur de me faire remarquer. N'y tenant plus, au bout de plusieurs minutes, peut-être un quart d'heure, j'ai demandé à ma voisine de devant si je pouvais faire quelque chose, elle avait l'air tellement désespérée. Elle a souri et m'a dit que c'était normal, qu'elle était en train de se "purifier" (si ma mémoire est bonne). Je ne devais pas m'inquiéter. Je n'étais qu'à demi-soulagée. Par la suite, ma voisine de devant m'a faire remarquer avec justesse, que la personne allait beaucoup mieux, qu'elle souriait. C'était vrai, elle avait l'air transformée. J'étais déconcertée. Je me suis dit qu'effectivement, se mettre à pleurer ainsi dans la ferveur religieuse, pouvait apporter un grand soulagement, que ça pouvait nous vider de pensées négatives ou d’angoisses.
Ne dit-on pas que pleurer (jusqu'à une certaine limite) permet d'éliminer des toxines du corps (au point de vue chimique) ?

Bernard a donné des informations capitales. Il a dit que les Evangélistes étaient devenus la 2ème religion en France avec 800 000 fidèles devant les Musulmans qui étaient 200 000.

Puis il a dit qu'ils étaient considérés comme une secte mais que le ministre de l'intérieur venait de les déclarer d'intérêt d'ordre public. J'ai trouvé ça bizarre. Puis il a dit que la mairie (ou le gouvernement ?) allait leur octroyer des subventions.

Je me suis demandée, à ce moment-là, si l'église catholique recevait des subventions. Il me semblait que non vu l'état des églises, des chaises, du chauffage... Nous étions si confortablement installés mon mari et moi sur des larges chaises moelleuses, capitonnées en velours bleu, rue Fortia !

Je me suis dit que cette information était à vérifier et que dans un pays laïc il était quand même étrange qu'on octroie des subventions (deniers publics) à des groupes religieux...

J'ai commencé à avoir des doutes.

Il a dit qu'ils allaient faire de Marseille la ville de Jésus.

J'aurais voulu me lever pour protester. La ville de Jésus ? Marseille ??? Lourdes ou une autre ville, oui, sans doute, mais Marseille ?

Marseille est la ville de toutes les communautés, de toutes les races, cultures et surtout de toutes les religions, Catholiques, Musulmans, Bouddhistes, Juifs, Protestants...Tous vivent en paix, les uns avec les autres.

Ce qui fait de Marseille sa richesse, c'est sa tolérance et le respect que chacun a pour l'autre dans sa différence religieuse ou autre. Cette notion de tolérance, c'est une notion importante à mes yeux et je pense qu'aux yeux de Dieu, elle l'est aussi.

Mais proclamer que Marseille allait devenir, non pas la ville de Dieu, mais la ville de Jésus c'était exclure toute autre religion que la leur. J'ai trouvé ce message intolérant voire dangereux.

Ça m'a fait aussi bizarre que d'entendre un syndicat en critiquer un autre ou l'école freudienne critique l'école adlérienne (en psychologie) ou l'inverse mais c'est moins dangereux !

Est-ce à ce moment-là que j'ai commencé à avoir un esprit plus critique ? J'étais venue en paix, sans idées préconçues, l'esprit ouvert. On dit de moi que je suis naïve.

Bernard a parlé de la carte du monde accroché sur le mur à côté de nous. Il y avait des points un peu partout, surtout aux Etats-Unis mais un gros point sur Marseille. Le but consistait, si j'ai bien compris, à convertir de plus en plus de monde à l'évangélisme, enfin à leur croyance. Le but était de conquérir le monde, la Suisse, Le Maroc... et je me suis imaginée en train de re-jouer au Trivial Poursuit sauf que je ne rêvais ni ne jouais.

Ma voisine, de devant, nous a dit qu'ils avaient prié pour le pape. Mais pendant les 3 heures où nous sommes restés dans cette mission, aucune parole pour le pape n'a été publiquement prononcée. Sur le coup, ça ne m'a pas surprise. C'est uniquement quand aux informations, ils ont annoncé que tous les chefs religieux (le Recteur de la mosquée, le grand Rabin...) lui avaient publiquement rendu hommage que j'ai fait la comparaison négative.

Je ne me suis rendue compte aussi, qu'après coup, que personne n'avait parlé de la Vierge Marie.

Mais apparemment chez les protestants, c'est normal.

Le Pasteur Eugène s'est mis à parler et la traductrice a traduit. Des passages de l'ancien testament ont été lus en anglais puis en français. J'avoue que ça m'a fait du bien d'entendre de l'anglais, ça m'a remis dans le bain et j'ai même compris certains passages.

Puis il a parlé de son expérience dans une église. Il est allé un jour dans une église (catholique sans doute). Il dit que les gens venaient isolément et repartaient isolément. Que les gens ne se parlaient pas entre eux, qu'ils n'avaient pas de « relationship » (qu'ils ne communiquaient pas). Ils venaient pour faire leur devoir et repartaient sans se parler ni communiquer.

Il a dit que dans l'église (évangéliste) les gens communiquaient (pourtant tout le monde ne faisaient qu’écouter sans l’interrompre, le long monologue du pasteur !) qu'ils se sentaient tellement bien qu'il fallait pousser l'interrupteur et éteindre la lumière pour que les gens se décident à partir...

Je n'étais pas d'accord. J'ai déjà ressenti de la gentillesse lors des messes (catholiques) même si j'avoue y aller assez peu. Chaque fidèle serre la main chaleureusement avec le sourire et ferveur à tous ses voisins en lui souhaitant la paix. Il y a déjà eu un groupe de prières pour moi, une dame très gentille qui m'a moralement beaucoup aidée à une époque où j'étais engluée dans le harcèlement moral au travail et que je commençais à perdre pied dans mon couple, étant obsédée par mes angoisses.

Je ne me suis pas sentie le droit, dans ce lieu, de critiquer la critique d'Eugène à l'égard de l'église (catholique) mais ça me démangeait.

Pratiquement tous les passages étaient issus de l'ancien testament et tous parlaient de victoire, de bataille, de glaive...

Puis il s’est mis à parler, parler sans s'arrêter pendant une bonne heure. Je n'ai pas le temps de réfléchir, de méditer, de prier.

J'essaye de comprendre ce qu'il dit, de voir où il veut en venir. Je suis très attentive.

Il répète inlassablement la même chose de manière différente pour que l'on comprenne bien et que l'on enregistre dans nos mémoires.

Il parle de Jésus, il parle du passage de l'évangile où il veut bâtir son église sur une pierre. Il parle de Simon-Pierre. Il dit que ce qui est important dans ce passage c'est que Jésus a dit qui il était, le Christ, le fils de Dieu, et aussi que l'église s'est bâtie sur la révélation. Il revenait constamment en arrière pour répéter le premier élément de ce qu'il voulait démontrer, quand il en était au 3ème, il revenait au 1er puis au 2ème...

J'avais l'impression d'être en 6ème, en classe de mathématiques, avec l'excellente professeur que j'ai eue et grâce à qui j'avais 18/20 de moyenne. Elle rabâchait, ré-expliquait. On n'avait pas besoin de lui dire qu'on n'avait pas compris, elle agissait comme si on n'avait pas compris. La leçon était apprise au fur et à mesure, à la maison, on n'avait plus qu'à réviser et encore !

Là où Eugène voulait en venir, c'est que l'église, qui était bâtie sur la révélation, ne pouvait l'être aujourd'hui que si on l'imitait et qu'on apportait sa parole autour de nous.

Il proclame que Jésus va revenir et qu'il souhaite qu'il revienne pendant que lui est encore en vie mais que si Jésus ne revenait pas à temps, après lui (Eugène) il n'y aurait plus personne (comme prédicateur). C'était annoncé comme une catastrophe. Il parlait de plus en plus fort comme s’il s'emportait, comme s’il était en colère. Il criait.
J'avais l'impression d'être une enfant que sa maman admoneste parce que j'aurais traversé la rue sans regarder... J'avais commis une faute, je m'étais mise en danger de mort. Mais ici, dans cette salle, qu'avaient bien fait les fidèles comme grave bêtise pour qu'on leur crie dessus ainsi ?

Rien que pour qu'il arrête de crier, j'avais presque envie de lui obéir !

Sa voix montait crescendo et ça ne pouvait qu'impressionner. Les gens écoutaient en silence. Mon malaise, lui n'a fait qu'accroître. J'aimais la façon de parler de Bernard, j'avais l'impression qu'il y avait de la gentillesse dans son discours, qu'il aimait les gens.
J'ai détesté la façon de crier du pasteur Eugène.

J'ai ressenti de la violence et de l'agressivité dans son discours aussi bien dans sa façon de parler aussi fort, que dans le vocabulaire guerrier choisi (guerre, batailles, victoires, glaive, vaincre l'ennemi, le démon, Satan).

Ma voisine a essayé d'expliquer à mon mari qui étaient les démons. J'ai peur de ne pas avoir bien compris.

Cependant, je la remercie pour sa gentillesse et sa patience.

Eugène s'est servi d'exemples imagés. Il a dit que Dieu lui parlait et qu'il transmettait aux hommes la parole de Dieu.

Je me suis demandée s'il ne se prenait pas pour le Messie ou s'il voulait le faire croire de manière indirecte.


Puis il a parlé du rôle des apôtres. Jésus voulait les apôtres autour de lui, que les apôtres l'assistent. Eugène a ordonné à Bernard de l'assister désormais quand il ferait des guérisons, des miracles. Bernard devrait dorénavant se tenir à ses côtés. Bernard a humblement acquiescé en faisant un signe de la tête.

Il a ordonné à tout le monde de l'imiter comme les apôtres ont imité Jésus.

Je n'ai senti aucune joie, aucun message d'amour ou de paix dans son discours qui était avant tout, me semble-t-il, un message de conquête.

A un moment donné, il demande : "où sont les enfants ?"

. Il devait y avoir 5 ou 6 enfants ou ados dans la salle. Il a dit que les enfants ne le dérangeaient pas et que nous devions lui amener les enfants dans l'église.

Il s'est mis à poser des questions aux fidèles de manière dirigée et la réponse ne pouvait être que la leçon apprise précédemment à savoir : « nous sommes très inquiets parce que si Jésus ne revient pas rapidement, après Eugène, il n'y a plus personne. Par conséquent, il fallait absolument trouver des remplaçants à Eugène, des apôtres ? »

Ils demandent aux gens s'ils ont un père. Je pense à mon père génétique. Ils demandent plusieurs fois aux fidèles si chacun a un père. Personne ne répond. Personne n'ose l'interrompre.

"Avez-vous un père ?"

Les gens m'ont l'air inquiets. On a l'impression qu'il prédit une catastrophe s'il ne trouve pas de volontaires pour le remplacer ou l’assister. Il parle de Jésus, des apôtres, de l'esprit Saint qu'ils ont reçu et qui leur a permis d'accomplir les mêmes miracles que Jésus (après sa mort).

Il prend l'exemple d'un Américain, je me souviens pas de son prénom. Appelons-le Paul.

Paul voulait suivre Eugène en Colombie pour porter ses bagages. Eugène a accepté en riant. Mais il lui a demandé d'être à ses côtés pendant les guérisons. Au bout d'un certain temps, les Colombiens ont voulu Paul, considéré comme le fils spirituel d'Eugène, en tant que leur père parce que Paul était désormais capable d'imiter Eugène, de donner la parole de Dieu et de guérir. Eugène devait repartir. Paul est donc resté en Colombie devenant pasteur (père spirituel des Colombiens).

LES PROPHETIES

Eugène s'est adressé au Marocain et a commencé ses prophéties.

Je suis bien incapable de répéter mots pour mots toutes les prophéties. Je ne peux vous donner que mes impressions. En gros, il a prévu pour chaque personne ou couple, la même chose mais dit de manière différente.

Chacun avait eu sa part de malheurs, de problèmes, mais désormais, tout allait aller mieux.

Le Marocain était vivement impressionné et très ému. Le Suisse a côté de lui (jeune, grand, maigre, bien habillé, pantalons noirs, veste noire, chemise blanche, cravate, chaussures noires) tremblait (tapait ou balançait) volontairement (mais inconsciemment) à plusieurs reprises, de la jambe gauche, signe sans doute d'une instabilité émotionnelle, à mon avis, comme un tic nerveux.

Grâce à l'intervention d'Eugène qui donnait ses prophéties et la parole de Dieu le Marocain en avait fini avec les malheurs. Dieu (ou Jésus ?) allait solidifier ses bases. Il lui prédit avec une grande conviction qu'il va devenir pasteur comme lui-même. Le Marocain avait l'air de ne demander qu'à le croire. Eugène fait la même chose avec le Suisse qui va lui aussi devenir pasteur.

Puis Eugène choisit un couple de Marocains. Je me fais toute petite avec mon mari. Mohamed pleure d'émotion, Fathia écoute. Elle a l'air d'être là pour soutenir son mari dans sa future mission.

Eugène avait dit qu'une femme pouvait être un "père". Il s'agissait d'être un père spirituel. Donc une femme pouvait devenir un père. Pourtant, il me semble dans mes souvenirs, qu'Eugène n'a choisi que des hommes pour être des pères ou pasteurs.

Eugène parle à un autre couple, il voit qu'ils ont eu des malheurs eux aussi mais que c'est fini et que l'homme va devenir un père (pasteur).

Il s'approche de nous. Le moment, que je redoutais un peu, arrive. Il ne peut pas nous prédire qu'on va devenir pasteur !

Eugène a bien vu que, même si j'étais attentive, le regardant plusieurs fois dans les yeux, je ne participais pas au chant, au danse, ni moi ni mon mari.

Nous étions à l'écart par notre attitude.

Il a pris la main de mon mari, puis la mienne. Je ne portais pas d'alliance (j'ai trop grossi à cause de l'arthrose). Il a demandé si nous étions mariés, j'ai répondu par l'affirmative.

Il déclare que Dieu lui parle pour qu’il transmette son message mais qu’il ne sait pas ce que cela signifie, il se contente de transmettre le message que Dieu lui donne pour nous.
Il a vu chez mon mari qu'on lui avait volé quelque chose (par rapport à notre couple apparemment), que ce qu'on lui avait volé, Dieu allait le lui rendre.

Ouf, il n'a pas prédit que Maurice allait devenir pasteur : (il aurait été déçu.)

Mohammed s'est mis à tousser et Eugène a dit que c'était le démon qu'il expulsait.

Il a prédit la même chose pour les uns ou les autres, certains allaient devenir pasteur ou pas, mais tous avaient eu des malheurs et maintenant c'était fini.

LES MIRACLES

Puis les gens, qui voulaient être guéris, sont montés sur l'estrade. J'ai suivi. Je n'avais rien à perdre. J'étais bourrée de médicaments pour l'arthrose, de séances de kiné...

Il a posé les mains sur le front d'une jeune femme, qui est tombée par terre. J'étais choquée. Ils l'ont allongée de tout son long. Ses membres tremblaient. J'étais très impressionnée mais apparemment j'étais la seule. Les gens se contenteaient de l'enjamber. Une autre femme est tombée aussi. Une autre a dit qu'elle avait des vertiges.

Eugène l'a faite asseoir sur une chaise. Il a fait constater qu'elle avait une jambe plus courte que l'autre.

J'avais beau écarquillé les yeux, je ne voyais pas de différence. J'ai moi-même une jambe plus courte que l'autre d'un demi centimètre à cause de la bascule de mon bassin (que le kiné m'a remis en place). Tout le monde voyait la différence. J'étais tout près mais de face. Eugène a pris la jambe et en 5 secondes, la jambe avait repoussé pour être au même niveau que l'autre !
Les gens disaient que oui, elle était au même niveau que l'autre. Il avait chassé le démon. Quand je pense aux exorcismes rarement pratiqués par les prêtes catholiques mais qui leur prennet des heures voires des jours... Eugène en qq secondes avait réussi à chasser le démon !

Si la jambe avait eu 10 cm de moins et au final la même longueur j’aurais bien été obligée d’y croire…J'ai rien vu.

Mari m'affirme, par la suite, que la personne est revenue à sa place avec un léger déhanchement.

Mais je me suis dit que ce n'était pas parce que je n'avais rien vu qu'il n'y avait rien eu mais je devenais de plus en plus sceptique. J'étais à nouveau en retrait. A ce moment-là, un homme m'a poussé doucement mais fermement vers Eugène. Je pensais passer en dernier, ce qui me semblait logique, ne serait-ce que par respect pour les personnes qui venaient régulièrement.

Il y avait une vingtaine de personnes. Le quart de la salle sans doute.

Eugène m'a demandé ce que j'avais. J'ai dit que je souffrais d'arthrose depuis 20 ans. Il a posé sa main sur mon front. Un homme a mis ses mains à plat sur mes épaules derrière (sans doute pour éviter que je tombe). J'étais surprise mais c'était sympa de sa part. Eugène a appuyé si fermement sa main que je ne pouvais que tomber à la renverse si je m'étais laissée aller. J'ai résisté physiquement (pas psychiquement) pour ne pas tomber sur le gars derrière moi.

Je me suis sentie toute bizarre. Je suis revenue à ma place, j'avais un peu le vertige. 5 mn après nous nous sommes excusés auprès de nos voisines de devant. Nous n'avions aucun moyen de prévenir nos enfant de notre retard. Il était 21h15 !

En sortant, le vent était violent et glacial. J'avais tellement froid qu'il me tardait d'arriver chez moi. Et j’avais très mal à mon épaule gauche. Je n’étais pas guérie !

J'ai enfin pu réfléchir. Après coup, j'ai fini par avoir l'intime conviction qu'il n'avait pas cherché à me guérir mais (même si ça semble aberrant) qu'il avait cherché à prendre possession de mon esprit comme si je devais lui appartenir ou du moins mes pensées, mes convictions.

Alors je ne vais pas affirmer ici que j'ai eu affaire à une secte mais je pense que les propos - que l'on m'a assenées toute la soirée - étaient sectaires.


En dehors de leur église, point de salut. Leur but ne serait pas de donner de l'amour mais de gagner des victoires sur les autres religions, conquérir Marseille, puis la France puis le monde au nom de Jésus.

Je les trouve dangereux dans la mesure où les gens, qui vont à ce genre de réunions, croient tous qu'ils vont assister à des miracles. Ils ont tous eu des malheurs ou des problèmes dans leur vie (qui n'en a pas eus ?) et ils sont déjà fragilisés parce qu'ils n'ont pas su les surmonter. Ils ont besoin de retrouver une famille chaleureuse pour les accueillir, ils ont besoin de croire qu'il va y avoir des miracles pour eux. Ce serait rassurant de savoir que si on allait si mal, c'est parce que le démon était en nous et que maintenant on allait aller mieux toujours parce que le pasteur avait chassé le démon.

Sans la promesse d'un miracle, qui irait dans ces réunions ?

Moi-même je n'y serais pas allée.

Lorsqu'ils sont convaincus du discours qui leur est tenu, ils reviennent encore et encore jusqu'à devenir accro, dépendants, jusqu'à en oublier les amis malades, le foot, jusqu'à ce que « le pasteur éteigne la lumière ».

J'ai vu des femmes qui étaient là, la veille et qui étaient là à nouveau le samedi soir et qui se sont données rendez-vous pour le lendemain, dimanche !

J'ai eu du mal à ne plus être dépendante du Lexomil, j'ai mis 3 mois pour pouvoir m'en passer, au bout de 5 ans de prises régulières, je n'allais pas retomber dans une dépendante psychique !

« Grâce » au harcèlement moral au travail et à tout ce que j'ai vu, entendu sur le sujet, grâce à mon expérience (douloureuse certes) je peux maintenant discerner ce qui est du domaine de la manipulation (et ce qui n’en est pas). J'ai été manipulée pendant le HMT et il m’a fallu des mois et l’intervention de personnes extérieures pour que je puisse m’en rendre compte .

Les victimes de HMT sont manipulées et ne trouvent plus de sens à leur histoire. C'est cette absence de sens, cette culpabilité confuse qui les rend « fous » (fragiles, dépressives, en décompensation psychique jusqu’au suicide).

En apprenant à discerner la manipulation, la perversité, j'ai pu garder mon esprit critique lors de cette réunion (et aussi grâce à la présence de mon mari dès le départ sceptique).

La notion de LIBRE ARBITRE (si cher à Dieu, il me semble, sinon il aurait créé des marionnettes) n'avait pas sa place dans les discours que j'ai entendus. Je pourrais presque résumer ainsi : le pasteur ordonnait, les brebis obéissaient !

Ai-je eu affaire à de la manipulation collective ? Me suis-je sentie manipulée ?

Oui, je me suis sentie manipulée et je ne m'en suis pas rendue compte aussitôt.

Cette expérience m'a beaucoup ébranlée dans la mesure où elle m'a fait revivre confusément toute la souffrance que j'ai pu vivre lors de mon harcèlement moral. Elle m'a fait souffrir.

Je n'irais plus dans cette "église". Je ne prétend pas connaître la parole de Dieu mais le message de Jésus, il me semble que c'était un message d'amour, de compassion, de tolérance. Je continuerai - même si j’ai peu de temps - de pratiquer ma religion mais surtout d'aider les autres, en les écoutant, en écoutant leur souffrance, en les conseillant du mieux que je peux selon leur possibilité, leur personnalité (inutile de donner un conseil que la victime sera incapable d'appliquer), en les soutenant moralement. Je continuerai à aller voir mes collègues ou amies malades, à parler à mes voisins...

C'est peut-être ça le message de Jésus finalement !

Dans la nuit qui a suivi, à l'aube du 3 avril, j'ai rêvé que mon fils aîné - qui allait fêter ses 18 ans (accro à Internet) - était mort et que je pouvais communiquer avec son fantôme, le prendre dans mes bras (ce que je ne peux pas faire car il est très pudique), l'embrasser.

Je le montrais aux membres évangélistes mais eux ne le voyaient pas et j’ai compris qu’il était mort et que c’était un fantôme, ce qui n’avait pas l’air de me déranger puisque je pouvais toujours lui parler, l’embrasser…

Lorsque je me suis réveillée, j'étais très mal. Mais j'ai compris qu'il était temps pour moi de prendre mon fils dans mes bras, de le serrer et de l'embrasser, ce que j'ai fait dans l'après-midi !

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