Je connais beaucoup de victimes qui ont été surmédicamentées.
Quel dommage ! Car la guérison passe d'abord par l'expression de sa souffrance à un spécialiste
(psychiatre-psychothérapeute, ou psychologue clinicien à l'hôpital)
payé pour ça !
Je dis bien "payé" !
Il est indispensable que vous payez une somme à la personne à qui vous allez raconter votre vécu. Vous serez remboursé par la sécurité sociale de toute façon...
En effet il n'y a pas pire dette que la dette de reconnaissance et payer un psy évite ce genre de sentiment de culpabilité qui parasite la psychothérapie...
Je parle aussi de psychothérapie pas de psychanalyse, ce serait à mon avis dangereux pour une victime...
Évidemment, il faut tomber sur un bon médecin (psychiatre) qui fasse de la psychothérapie et ne se contente pas de faire de la psychiatrie.
Si vous voyez que le feeling ne passe vraiment pas au bout de deux séances, le mieux est d'en chercher un autre...
Mais il faut du courage et de la patience pour faire une psychothérapie et surtout être déterminé à vouloir aller mieux (sans forcément) en passer par une surmédicalisation qui peut s'avérer nécessaire mais uniquement de manière provisoire.
Les victimes qui sont surmédicamentées et qui ne bénéficient pas d'une prise en charge psychothérapeutique ont du mal à s'en sortir et encore plus à aider les autres victimes.
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J'ai rencontré le professeur Chiaroni à l'hôpital de la Timone, à Marseille, lors d'un colloque sur la violence psychologique au travail. A l'époque, il s'occupait d'un service, à l'hôpital, de prise en charge des victimes... Le service a fermé lors de son départ (pas vraiment volontaire)...
Un homme comme le professeur Chiaroni fait toujours de l'ombre à quelqu'un car il est génial !
ça dérange toujours !
Personnellement, il m'a donné de très bons conseils.
Voici son interview dans le Nouvel Observateur
consacré au harcèlement moral (du 14 au 20.11.2002)
Vite un psy !
Pour les victimes, le harcèlement est une descente aux enfers, dont les dégâts psychologiques vont croissant. Si elles consultent à temps, elles réussiront à remonter la pente
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Vite un psy!
Le Nouvel Observateur. Comment se sort-on des
conséquences psychologiques du harcèlement moral?
Pierre Chiaroni. Attention! Aujourdhui, à cause de la
médiatisation et de lexistence de la loi, le harcèlement
moral devient très souvent un diagnostic imposé aux médecins
dès quun salarié souffre psychologiquement. Ce nest
pas aussi simple. Il y a trois types de harcèlement. Celui dune
entreprise dont la politique managériale vise à désorganiser
le lien social avec des techniques propres à faire craquer les gens.
Ou encore cest la forme la plus rare mais la plus dévastatrice
, le harcèlement par un individu qui souffre de perversion et
en maltraite un autre. Ou, enfin et cest le cas le plus répandu
, la perversité dun salarié qui fait souffrir un
collègue pour des impératifs de carrière. Mais quelle
que soit la forme du harcèlement, les souffrances quil génère
apparaissent en trois temps.
N. O. Lesquels?
P. Chiaroni. Dabord celui de lincompréhension. Le
salarié à qui lon dit, par exemple: «Tu es un très
bon élément, mais tu peux être plus utile ailleurs»,
va chercher à savoir pourquoi. Et très vite, comme il ne parvient
pas à trouver, il va développer des sentiments de culpabilité,
dattente anxieuse, de honte, dhumiliation. A ce stade, il ny
a pas de symptômes, donc pas de demande de prise en charge. Et puis,
le salarié va chercher à démontrer non seulement quil
est performant, mais quil est utile. Son entourage a tendance à
minimiser, ou à nier.
N. O. Ensuite?
P. Chianori. Le salarié harcelé commence à développer
des symptômes: troubles du sommeil, anxiété, morosité,
irritabilité, ruminations. Et son entourage professionnel le laisse
seul dans son coin, parce quil a peur. Ou ferme les yeux, parce quil
ne sait pas gérer ce type de situation.
Dans la troisième phase, les symptômes se cumulent. Le salarié
est devenu un malade, souffre les trois quarts du temps de troubles psychiatriques,
et pour le reste de maladies psychosomatiques. Pour ce qui est des troubles
psychiatriques, cela peut aller de la dépression aux bouffées
délirantes.
N. O. A ce stade, comment peut-il guérir?
P. Chiaroni. Lidéal serait de ne pas en arriver là.
Cest dès la deuxième phase quil doit commencer à
consulter, soit son médecin du travail, soit son médecin de
famille, soit un psychiatre.
Nous, nous évaluons dabord son degré de souffrance. Et la priorité, cest dempêcher ces malades de senfermer dans la victimisation. Il faut procéder lentement, écouter, écouter encore. Il faut replacer la victime, objet dune violence imposée, dans une position de sujet.
Et surtout ne pas désigner en permanence lagresseur, pour ne pas exacerber une relation simpliste : bourreau-victime. Ensuite nous passons à la prise en charge thérapeutique. Les médicaments sont souvent nécessaires. Compte tenu de lintensité de la souffrance, ils permettent au malade de parler plus facilement.
Quant au traitement psychologique, pas question dune analyse, dans un premier temps du moins.
Il faut être pratique. Parler, parler. Je ne vais pas changer les conditions de travail des malades. Je dois leur permettre de sadapter. Et sils maîtrisent à nouveau les réalités, sils font face à de nouvelles situations sans fragilités, on arrête.
En revanche, si je constate que leurs problèmes de conditions de travail relèvent dune instabilité plus profonde, je leur propose une prise en charge psychologique plus longue.
N. O. Quelles sont leurs chances de sen sortir ?
P. Chiaroni. Il ny a pas dévaluations, de statistiques
sur ce sujet. Dans les cas de dépressions classiques, les trois quarts
des gens sen sortent bien ; le quart restant, assez mal. Quand il sagit
de dépressions dues au harcèlement moral, mon expérience
le prouve, les résultats sont moins bons. Dautant quil
peut y avoir dautres séquelles psychologiques.
N. O. Lesquelles ?
P. Chiaroni. Après ces souffrances violentes, on constate des
modifications du caractère ou de la personnalité. Le salarié
nest plus le même. Il peut avoir des peurs, des sentiments de
culpabilité et dincompétence quil navait pas
auparavant. Sans parler des conséquences sur la famille.
Les enfants qui voient lun de leur
parent malade, qui savent pourquoi, vont avoir une représentation déformée
du monde du travail.
Ils peuvent développer des sentiments plutôt hostiles, ou, à
linverse, plus timorés à légard du travail.
Cela peut déterminer leur avenir.
N. O. Vous nêtes guère optimiste !
P. Chiaroni. Je ne suis pas pessimiste. Je constate simplement quil
y a un vrai problème dorganisation de la prise en charge du harcèlement
moral. Comme vient de le proposer le Conseil économique et social,
il faudrait créer des consultations pluridisciplinaires regroupant
des médecins du travail, des psychiatres, des ergonomes
Ce nest
pas le cas. Il ny a pas de prise en charge globale du harcèlement
moral pour le salarié qui se débat dans ses difficultés.
Il y a des gens qui souffrent pendant vingt ans avant quon les repère!
Cela dit, plus on est jeune, mieux on sen sort. Cela dépend aussi
du type de travail que les salariés retrouvent. Sil est valorisant,
cest plus facile. Mais cela fait beaucoup de si
Propos recueillis par MARTINE
GILSON
Mgilson@nouvelobs.com
Pierre Chiaroni, 47 ans, est psychiatre à lhôpital Sainte-Marie de Nice. Il est spécialiste depuis douze ans de la santé au travail.