retour
Harcèlement moral, la nécessité d'entamer une psychothérapie

Je connais beaucoup de victimes qui ont été surmédicamentées.

Quel dommage ! Car la guérison passe d'abord par l'expression de sa souffrance à un spécialiste

(psychiatre-psychothérapeute, ou psychologue clinicien à l'hôpital)

payé pour ça !

Je dis bien "payé" !

Il est indispensable que vous payez une somme à la personne à qui vous allez raconter votre vécu. Vous serez remboursé par la sécurité sociale de toute façon...

En effet il n'y a pas pire dette que la dette de reconnaissance et payer un psy évite ce genre de sentiment de culpabilité qui parasite la psychothérapie...

Je parle aussi de psychothérapie pas de psychanalyse, ce serait à mon avis dangereux pour une victime...

Évidemment, il faut tomber sur un bon médecin (psychiatre) qui fasse de la psychothérapie et ne se contente pas de faire de la psychiatrie.

Si vous voyez que le feeling ne passe vraiment pas au bout de deux séances, le mieux est d'en chercher un autre...

Mais il faut du courage et de la patience pour faire une psychothérapie et surtout être déterminé à vouloir aller mieux (sans forcément) en passer par une surmédicalisation qui peut s'avérer nécessaire mais uniquement de manière provisoire.

Les victimes qui sont surmédicamentées et qui ne bénéficient pas d'une prise en charge psychothérapeutique ont du mal à s'en sortir et encore plus à aider les autres victimes.

*****

J'ai rencontré le professeur Chiaroni à l'hôpital de la Timone, à Marseille, lors d'un colloque sur la violence psychologique au travail. A l'époque, il s'occupait d'un service, à l'hôpital, de prise en charge des victimes... Le service a fermé lors de son départ (pas vraiment volontaire)...

Un homme comme le professeur Chiaroni fait toujours de l'ombre à quelqu'un car il est génial !

ça dérange toujours !

Personnellement, il m'a donné de très bons conseils.

Voici son interview dans le Nouvel Observateur

consacré au harcèlement moral (du 14 au 20.11.2002)

http://www.nouvelobs.com

 

 

 

Vite un psy !

Pour les victimes, le harcèlement est une descente aux enfers, dont les dégâts psychologiques vont croissant. Si elles consultent à temps, elles réussiront à remonter la pente

*************


Vite un psy!

Le Nouvel Observateur. – Comment se sort-on des conséquences psychologiques du harcèlement moral?


Pierre Chiaroni. – Attention! Aujourd’hui, à cause de la médiatisation et de l’existence de la loi, le harcèlement moral devient très souvent un diagnostic imposé aux médecins dès qu’un salarié souffre psychologiquement. Ce n’est pas aussi simple. Il y a trois types de harcèlement. Celui d’une entreprise dont la politique managériale vise à désorganiser le lien social avec des techniques propres à faire craquer les gens. Ou encore – c’est la forme la plus rare mais la plus dévastatrice –, le harcèlement par un individu qui souffre de perversion et en maltraite un autre. Ou, enfin – et c’est le cas le plus répandu –, la perversité d’un salarié qui fait souffrir un collègue pour des impératifs de carrière. Mais quelle que soit la forme du harcèlement, les souffrances qu’il génère apparaissent en trois temps.

N. O. – Lesquels?


P. Chiaroni. – D’abord celui de l’incompréhension. Le salarié à qui l’on dit, par exemple: «Tu es un très bon élément, mais tu peux être plus utile ailleurs», va chercher à savoir pourquoi. Et très vite, comme il ne parvient pas à trouver, il va développer des sentiments de culpabilité, d’attente anxieuse, de honte, d’humiliation. A ce stade, il n’y a pas de symptômes, donc pas de demande de prise en charge. Et puis, le salarié va chercher à démontrer non seulement qu’il est performant, mais qu’il est utile. Son entourage a tendance à minimiser, ou à nier.

N. O. – Ensuite?


P. Chianori. – Le salarié harcelé commence à développer des symptômes: troubles du sommeil, anxiété, morosité, irritabilité, ruminations. Et son entourage professionnel le laisse seul dans son coin, parce qu’il a peur. Ou ferme les yeux, parce qu’il ne sait pas gérer ce type de situation.
Dans la troisième phase, les symptômes se cumulent. Le salarié est devenu un malade, souffre les trois quarts du temps de troubles psychiatriques, et pour le reste de maladies psychosomatiques. Pour ce qui est des troubles psychiatriques, cela peut aller de la dépression aux bouffées délirantes.

N. O. – A ce stade, comment peut-il guérir?


P. Chiaroni. – L’idéal serait de ne pas en arriver là. C’est dès la deuxième phase qu’il doit commencer à consulter, soit son médecin du travail, soit son médecin de famille, soit un psychiatre.

Nous, nous évaluons d’abord son degré de souffrance. Et la priorité, c’est d’empêcher ces malades de s’enfermer dans la victimisation. Il faut procéder lentement, écouter, écouter encore. Il faut replacer la victime, objet d’une violence imposée, dans une position de sujet.

Et surtout ne pas désigner en permanence l’agresseur, pour ne pas exacerber une relation simpliste : bourreau-victime. Ensuite nous passons à la prise en charge thérapeutique. Les médicaments sont souvent nécessaires. Compte tenu de l’intensité de la souffrance, ils permettent au malade de parler plus facilement.

Quant au traitement psychologique, pas question d’une analyse, dans un premier temps du moins.

Il faut être pratique. Parler, parler. Je ne vais pas changer les conditions de travail des malades. Je dois leur permettre de s’adapter. Et s’ils maîtrisent à nouveau les réalités, s’ils font face à de nouvelles situations sans fragilités, on arrête.

En revanche, si je constate que leurs problèmes de conditions de travail relèvent d’une instabilité plus profonde, je leur propose une prise en charge psychologique plus longue.

N. O. – Quelles sont leurs chances de s’en sortir ?


P. Chiaroni. – Il n’y a pas d’évaluations, de statistiques sur ce sujet. Dans les cas de dépressions classiques, les trois quarts des gens s’en sortent bien ; le quart restant, assez mal. Quand il s’agit de dépressions dues au harcèlement moral, mon expérience le prouve, les résultats sont moins bons. D’autant qu’il peut y avoir d’autres séquelles psychologiques.

N. O. – Lesquelles ?


P. Chiaroni. – Après ces souffrances violentes, on constate des modifications du caractère ou de la personnalité. Le salarié n’est plus le même. Il peut avoir des peurs, des sentiments de culpabilité et d’incompétence qu’il n’avait pas auparavant. Sans parler des conséquences sur la famille.

Les enfants qui voient l’un de leur parent malade, qui savent pourquoi, vont avoir une représentation déformée du monde du travail.
Ils peuvent développer des sentiments plutôt hostiles, ou, à l’inverse, plus timorés à l’égard du travail. Cela peut déterminer leur avenir.

N. O. – Vous n’êtes guère optimiste !


P. Chiaroni. – Je ne suis pas pessimiste. Je constate simplement qu’il y a un vrai problème d’organisation de la prise en charge du harcèlement moral. Comme vient de le proposer le Conseil économique et social, il faudrait créer des consultations pluridisciplinaires regroupant des médecins du travail, des psychiatres, des ergonomes… Ce n’est pas le cas. Il n’y a pas de prise en charge globale du harcèlement moral pour le salarié qui se débat dans ses difficultés. Il y a des gens qui souffrent pendant vingt ans avant qu’on les repère! Cela dit, plus on est jeune, mieux on s’en sort. Cela dépend aussi du type de travail que les salariés retrouvent. S’il est valorisant, c’est plus facile. Mais cela fait beaucoup de si…

Propos recueillis par MARTINE GILSON
Mgilson@nouvelobs.com

Pierre Chiaroni, 47 ans, est psychiatre à l’hôpital Sainte-Marie de Nice. Il est spécialiste depuis douze ans de la santé au travail.

retour